Prenez possession du Petit Palais ! Voici carte blanche offerte par le musée parisien aux artistes majeurs du mouvement street art. Parmi eux, des créateurs reconnus nationalement et internationalement : Invader, Shepard Fairey (Obey), Seth, Conor Harrington…
Passer de la rue au musée n’a pas été particulièrement difficile pour ces artistes déjà exposés, d’autant que l’adaptation à leur environnement est devenue chez eux une seconde nature. Ils y ont pensé pour que leurs œuvres entrent en résonance avec la collection permanente mais aussi avec l’architecture du lieu. Les époques et les styles se mélangent dans l’exposition Nous sommes icicréant ainsi un changement esthétique harmonieux.
Un art politique
Parmi les 200 œuvres, le tableau Recommandation du chilien Inti, fait partie d’une reproduction de la porte historique de la galerie grand format. La structure, les dimensions impressionnantes et la dorure de ce cadre inattendu ont été entièrement recréées, valorisant ainsi les possibilités de la peinture acrylique. « Le street art est un manifeste, le plus souvent politique, pour dénoncer les injustices, les problèmes écologiques… », souligne Emma, visiteuse retraitée passionnée par cette discipline volontairement insoumise.
La dénonciation apparaît dans plusieurs ouvrages tels que Liberté égalité fraternité par Shepard Fairey (Obéir). La figure de Marianne se détache des couleurs du drapeau français, avec une larme ajoutée pour ne pas oublier les moments où les valeurs républicaines » ont été violés ou mal interprétés « . Cette représentation démontrait le soutien apporté par l’artiste américain à la France, après les attentats terroristes de 2015. Il espère que son engagement » contribuera à un avenir meilleur ».
Un art longtemps marginalisé
C’est la première fois que le Petit Palais accueille des créations d’artistes issus de l’art urbain. Depuis son inauguration le 12 juin, le musée a connu une forte hausse de fréquentation. L’initiative vient de Mehdi Ben Cheikh, commissaire de l’exposition, et d’Annick Lemoine, directrice du Petit Palais, en collaboration avec l’Association pour la promotion des arts plastiques et urbains contemporains (APAPUC).
Nous sommes ici, (« Nous sommes là »), slogan d’artistes en quête de légitimité, plaide pour la reconnaissance par l’institution culturelle d’un art longtemps marginalisé. Proposée au moment des Jeux Olympiques, l’événement est également gratuit, dans l’optique de le rendre accessible au plus grand nombre, en cohérence avec la philosophie du street art.
Monet et l’envahisseur
La visite se termine dans La Salle Concorde, bordée d’œuvres de plus de soixante artistes. Un QR code permet d’accéder à une application riche en informations complémentaires sur cette impressionnante installation, conçue comme un hommage au premier Salon des Refusés de 1863. Malheureusement, elle ne met pas toujours en valeur les tableaux ainsi empilés. » L’effet est assez spectaculaire, reconnaît Paul, étudiant en médecine, avec tous les tableaux collectés. Mais c’est dommage : certains, accrochés en hauteur, ne sont pas assez visibles… »
Emma, quant à elle, est enthousiaste : « Ce que j’ai trouvé extraordinaire c’est d’avoir un Invader au dessus d’un Monnet, c’est quand même une consécration, c’est exceptionnel ! » Précisons qu’Invader est un AVNI (artiste vivant non identifié), connu pour diffuser à travers le monde des mosaïques représentant des personnages de jeux vidéo. Ainsi les carreaux de céramique jaune orangé d’Alias DJBA_28 dialoguer avec le Soleil couchant sur la Seine à Lavacourt, effet hivernal de Claude Monet. Les couleurs s’appellent et se répondent, suscitant l’étonnement des uns et le ravissement des autres…