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L’ex-ministre Muriel Pénicaud appelle à « supprimer » les primes à l’embauche des apprentis qu’elle avait instaurées

L’ex-ministre Muriel Pénicaud appelle à « supprimer » les primes à l’embauche des apprentis qu’elle avait instaurées

Quatre ans après son initiative, Muriel Pénicaud appelle enfin à faire marche arrière. L’ancienne ministre du Travail exhorte l’exécutif à « réduire ou supprimer » la prime à l’embauche des apprentis « pour les grandes entreprises ». Un dispositif destiné à dynamiser l’apprentissage, qu’elle a elle-même mis en place en 2020, alors membre du gouvernement d’Édouard Philippe.

La mesure a été lancée « dans l’esprit que ce ne serait que pour la crise du Covid » et n’est plus d’actualité en l’état aujourd’hui, au moment où l’Etat cherche à faire des milliards en coupes budgétaires, a-t-elle jugé dans un entretien à l’émission émission « Complément d’Enquête », diffusée jeudi soir sur France 2.

Après une réforme de l’apprentissage lancée en 2018, la prime à l’embauche des apprentis a été créée en juillet 2020, puis renouvelée à plusieurs reprises, jusqu’à présent. « L’apprentissage est la garantie d’un travail qualifié », assurait cette année-là Muriel Pénicaud au Parisien, quelques mois avant d’être remplacée par Élisabeth Borne.

Cette prime s’élève à 5 000 euros pour un mineur et 8 000 pour un adulte, avant d’être réduite à 6 000 euros quel que soit l’âge. Il est diffusé aux entreprises quelle que soit leur taille, rappelle « Enquête complémentaire ». Depuis, la part des apprentis a continué d’augmenter, passant d’environ 856 000 en 2021 à plus d’un million en janvier 2024.

Mais, face à l’ampleur des économies à réaliser aujourd’hui, l’ex-ministre avance désormais « une seule piste ». « Comme il faut prioriser, il vaut mieux investir davantage dans la formation des aides-soignants, ou du cuisinier ou du boulanger, qui sont tous pénalisés aujourd’hui, et au contraire peut-être arrêter les primes à l’embauche « d’apprentis pour les grandes entreprises ». elle a demandé.

« Participer à l’effort de la nation »

« C’était exceptionnel pour la crise du Covid, on n’en est plus là », a-t-elle aussi argué, estimant donc que ça ne valait « plus la peine » de verser ces boosts aux grandes entreprises. Ces derniers « peuvent prendre leurs responsabilités sur ce sujet », a-t-elle soutenu, estimant qu' »il ne faut pas baisser la qualité de la formation des jeunes, c’est la priorité ».

Interrogée sur le cas spécifique de l’apprentissage chez Carrefour, auquel ce numéro de Complément d’Enquête était en partie consacré, Muriel Pénicaud a reconnu que le versement de primes à l’embauche « incite » le groupe à recruter des apprentis. « Mais s’ils peuvent participer à l’effort national de formation des jeunes, (…) nous devons donner la priorité », a-t-elle souligné, rappelant avoir été « libre et indépendante » dans ses opinions depuis son départ du gouvernement.

Selon l’enquête de France 2, Carrefour laisse ses apprentis effectuer des tâches similaires à celles des salariés ordinaires, pour un salaire inférieur et sans leur fournir les heures de formation promises. Dans un hypermarché de Marseille, des alternants n’ont même pas eu de cours du tout depuis près d’un an et ont terminé leur année sans diplôme. Un « cas unique », pour lequel « une solution a été trouvée », a assuré la direction au magazine.

Le groupe présenterait également le contrat d’apprentissage comme un passeport vers le CDI, « le nombre de CDI signés par les jeunes dans l’année suivant leur alternance représentait 8% du nombre d’apprentis embauchés entre 2021 et 2023 », selon l’émission. Une situation « choquante » pour Muriel Pénicaud, qui a estimé que si les faits allégués étaient confirmés par l’autorité de régulation, Carrefour « sera sanctionné par les pouvoirs publics ».

Maintenir la prime aux « jeunes handicapés »

L’ancien ministre a toutefois estimé que les primes à l’embauche devraient être maintenues dans un cas particulier, celui de « l’accueil des jeunes handicapés », un « sujet qui n’en est pas encore là ». Au total, « 8 % des jeunes ont un handicap visible ou invisible », mais ils ne représentent qu’« un peu moins de 2 % » des jeunes en centre de formation en apprentissage, même si ce chiffre a « un peu augmenté » récemment. « Même pour les grandes entreprises, si c’est pour accueillir des jeunes en situation de handicap, je suis prête à conserver la prime », résume-t-elle.

Ces déclarations interviennent quelques jours après l’envoi d’un projet d’arrêté par le ministère du Travail aux partenaires sociaux, en vue de supprimer les aides à l’embauche pour les alternants en contrat de professionnalisation, à partir du 1er mai et jusqu’à la fin de l’année. année. Des primes à l’embauche de salariés sous contrat de professionnalisation de moins de 30 ans ont été créées en même temps que celles pour les apprentis.

L’aide ponctuelle de 6.000 euros serait donc réservée dès la semaine prochaine au recrutement d’apprentis en formation initiale, dans l’optique de réduire les dépenses de l’Etat. En procédant à 10 milliards d’euros de coupes budgétaires en février, le gouvernement avait prévu d’annuler 1,1 milliard de crédits pour la mission « travail et emploi ».

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