Levée de fonds, partenaires… Le projet Canadair made in France d’Hynaero prend forme
L’équipe de cinq personnes qui pilote le programme le sait bien : ces fonds sont le nerf de la guerre. Pendant trois mois, la Frégate-F100 a réussi à couvrir les besoins d’une première phase de développement, consistant à valider la faisabilité du concept. Elle nécessite un investissement total en R&D de près de 800 000 euros, courant jusqu’au début de l’année prochaine. La région Nouvelle-Aquitaine, qui subventionne ces travaux à hauteur de 300 000 euros, a répondu présente.Le reste des fonds a été mis sur la table grâce aux fonds propres des fondateurs ainsi qu’aux sommes investies par plusieurs personnes qui soutiennent le programme.« , précise David Pincet. Les bureaux d’études impliqués dans le programme contribuent également à l’effort.
Un hydravion porté par la souveraineté industrielle
Hynaero anticipe déjà la suite. La start-up, hébergée dans les bureaux de l’incubateur bordelais Technowest à Mérignac (Nouvelle-Aquitaine), prépare une deuxième levée de fonds – beaucoup plus ambitieuse – de 15 millions d’euros. Cette fois pour financer la phase de conception de l’avion, qui devrait se dérouler du printemps 2025 au printemps 2026. La jeune entreprise compte se tourner vers Bercy et Bpifrance ainsi que vers la Région. Et David Pincet, ancien directeur du groupe d’avions de sécurité civile, lance un appel aux pouvoirs publics : «Compte tenu du budget consacré au renouvellement de la flotte de bombardiers d’eau, l’État français envisage-t-il de s’appuyer sur un programme de souveraineté industrielle ou d’acheter des avions étrangers sur étagère ?« .
Car c’est peu dire que la Frégate-F100 arriverait à point nommé. Alors que les risques d’incendies augmentent en raison du réchauffement climatique, les moyens aéroportés existants sont loin d’être à la hauteur. Particulièrement en France : avec une moyenne d’âge de 25 ans, les 12 Canadair CL-415 sont à la peine. Et ce d’autant plus que la qualité de la maintenance assurée par Sabena Technics suscite des interrogations chez les pilotes de la sécurité civile. Alors que la production de ces machines mythiques a été stoppée en 2015, De Havilland Canada a repris le flambeau et commence seulement à relancer la production de leurs successeurs, les DHC-515. Les deux premiers exemplaires pourraient être livrés à la France entre 2028 et 2030. Au mieux.
Des partenariats dans toutes les directions
D’où l’enthousiasme, qui semble loin d’être retombé depuis le lancement de la Frégate-F100, porté par une poignée de bons connaisseurs de l’industrie. Pour preuve, Hynaero a noué plusieurs partenariats industriels. Le dernier en date, pas encore dévoilé officiellement, est avec Aresia (ex-Rafaut) : l’un des principaux fournisseurs du Rafale de Dassault Aviation sera chargé de livrer les éléments de structure et les sous-ensembles. De son côté, le sous-traitant aéronautique BT2i contribuera à définir ces pièces. En juin dernier, un rapprochement majeur a été annoncé avec le centre de recherche aérospatial français (Onera), par lequel transitent tous les programmes aéronautiques français. L’organisme assistera Hynaero dans les essais en soufflerie et en bassin de coque.
Ce n’est pas tout.Des discussions ont été ouvertes pour d’éventuels partenariats industriels avec la Turquie, qui prévoit de se doter d’une flotte d’une quinzaine d’appareils.confie David Pincet. C’est également le cas du Maroc qui offre des facilités d’implantation dans le cadre du développement de ses capacités industrielles aéronautiques.» D’autres collaborations d’envergure se profilent à l’horizon, dont certaines pourraient bientôt être dévoilées. Côté motorisation, Hynaero mise toujours sur le PW 150 de l’américain Pratt & Whitney (groupe RTX). Autant d’acteurs qui devraient progressivement contribuer à donner corps à un programme nécessitant une enveloppe d’investissement totale d’environ un milliard d’euros.
De grands espoirs
Au vu des ambitions d’Hynaero pour son Frégate-F100, les contributions extérieures sont en effet très attendues. Car le futur bombardier d’eau entend faire mieux que son illustre prédécesseur. Le Frégate-100 sera capable d’écoper 10 tonnes d’eau, contre 6 tonnes pour le Canadair. Et devrait afficher une vitesse de 250 nœuds (463 km/h), quand l’avion canadien plafonne à 180 nœuds. Ce n’est pas tout. Le futur hydravion français promet d’implémenter une panoplie d’équipements et de solutions modernes : commandes de vol électriques pour améliorer la manœuvrabilité, jumeau numérique pour la maintenance, ou encore systèmes d’affichage tête haute pour aider les pilotes.
La Frégate-F100 pouvait écoper 10 tonnes d’eau, contre 6 tonnes pour le Canadair. (crédits photo : Hynaero)
Autre rapprochement qui sera sans doute déterminant pour l’avenir de la Frégate-F100, annoncé fin 2023 : un protocole d’accord signé avec le gestionnaire de l’aéroport de Bordeaux Mérignac. Il met à disposition d’Hynaero 40 000 m² de terrain, dont 25 000 seront utilisés pour la chaîne d’assemblage. La future usine devrait représenter entre 450 et 500 emplois directs et près de 2 000 emplois de sous-traitance, prévoient les dirigeants de la start-up. Quant au calendrier industriel, il n’a pas bougé d’un iota par rapport à ce qui avait été annoncé l’an dernier.
Après avoir construit deux prototypes entre 2028 et 2029, suivi de vols d’essai et de certification de 2029 à 2031, Hynaero prévoit de livrer 2 ou 3 appareils par an durant les trois premières années. Et de passer à une production annuelle de 10 appareils par an à partir de 2035. Si la jeune entreprise tient ses engagements, elle pourrait se tailler une place de choix sur un marché qu’elle estime à environ 300 appareils entre 2030 et 2050, compte tenu des besoins mondiaux en matière de lutte contre les incendies.Nous visons la moitié de ce marché durant cette période.« , affirme David Pincet. Ce pari industriel français semble pour l’instant bien engagé.