Œuf géant en jeans, pentagramme ésotérique, trompettes et Billie Eilish des Balkans, la 68e édition de l’Eurovision, organisée ce samedi 11 mai à Malmö, en Suède, a une nouvelle fois offert aux téléspectateurs une avalanche de couleurs, d’effets visuels, de costumes déjantés et de folies. des moments. La victoire de Le code, de l’artiste suisse non binaire Nemo, est une surprise, dans la mesure où le pays ne figurait pas dans le trio de favoris donné par les sites de paris (Croatie, Israël, Ukraine). À 24 ans, ils sont devenus la première personne non binaire à remporter l’Eurovision. Après des semaines de polémique politique sur la présence d’Israël, c’est finalement un beau symbole que la victoire revienne à la Suisse, pays neutre par définition.
36 ans de disette pour la Suisse après Céline Dion
Grâce à une mise en scène acrobatique et un travail de caméra hyper calibré, Nemo a conquis les faveurs des spectateurs et du jury. Pendant trois minutes, l’artiste a couru dans toutes les directions et a lancé une plate-forme de saut périlleux pour un effet saisissant. Sans une once d’essoufflement – on se demande encore comment cela est possible – elles, vêtues d’une jupe rose pâle, de collants et d’une veste à froufrous, ont mêlé le chant lyrique au rap.
Nemo a aussi été le seul artiste à ne pas défiler, en ouverture de soirée, avec son drapeau national, mais à brandir l’étendard de la fierté non binaire. Avec 591 points, ils mettent fin à 36 ans de disette suisse: en 1988, Céline Dion est la dernière à remporter le concours de la confédération, avec Ne pars pas sans moi en 1988. Un précédent de bon augure pour l’artiste aux allures de lutin bondissant ?
Favoris depuis plusieurs semaines déjà, le chanteur croate Baby Lasagna a terminé deuxième avec 547 points, un bon résultat malgré tout pour sa prestation folle, qui n’est pas sans rappeler une rencontre entre Tokyo Hotel et Mozart l’Opéra Rock. Les volants et les dentelles virevoltaient lors de la performance de Marko Purišić, alias Baby Lasagna, sur fond de chant grave et d’éclairs électro-metal. Sa performance pourrait, à elle seule, servir de définition de la notion très galvaudée de « kitsch », dont le concours se voit chaque année se parer.
L’Ukraine est troisième, juste devant Slimane pour la France. Deux ans après la victoire du groupe Kalush Orchestra, les Ukrainiens Alyona Alyona et Jerry Heil sont apparus sur scène telles des valkyries prêtes au combat. Leur performance, qui n’est pas sans rappeler celle de leur compatriote Jamala, victorieux en 2016, a marqué les esprits, comme celle de Slimane mais pour d’autres raisons.
Loin de la mise en scène folle et des tourbillons de couleurs de ses concurrents, l’ancien vainqueur de La voix s’est appuyé sur la sobriété du noir et blanc et sur une prestation vocale époustouflante, jusqu’au point culminant d’un couplet a cappella à plusieurs mètres du micro, dans le silence absolu de la Malmö Arena. Un succès qui n’est pas sans rappeler celui de Barbara Pravi, arrivée deuxième en 2021. Avant de quitter la scène, Slimane s’est placé sous le signe « d’amour et de paix »une allusion aux débats de ces dernières semaines.
Plainte contre le représentant néerlandais, exclu du concours
Sur fond de guerre à Gaza, la compétition a en effet traversé des polémiques, au point de faire l’objet de manifestations et d’appels au boycott en raison de la participation d’Israël. Comme si le tableau n’était pas assez confus, un incroyable malentendu est venu perturber la dernière journée : le candidat néerlandais, Joost Klein, a été exclu de la compétition quelques heures avant la finale, en raison d’une plainte déposée par un membre de la production de « comportement inapproprié ». Apparemment un geste violent envers un photographe de la télévision suédoise. Adieu à Europeun délire potache pourtant bien placé dans la short-list des bookmakers.
La visite d’Israël était bien sûr très attendue. Il a d’abord été couvert par les huées et les sifflets d’une partie du public de la Malmö Arena. La performance vaporeuse d’Eden Golan, avec Ouragana été plébiscité par le vote des téléspectateurs, mais mal noté par les jurys nationaux, ce qui lui a finalement valu la cinquième place.
Si le plaisir habituel, peut-être masochiste, de regarder l’Eurovision a sans doute été terni par les tensions et l’exclusion d’un concurrent, l’organisation a tenté de faire du bon spectacle en proposant un spectacle complet, le rendant sciemment indiscutable. Animé par l’actrice Malin Akerman et la comédienne Petra Mede, toutes deux suédoises et époustouflantes, le spectacle offrait son habituel lot de couleurs et d’effets pyrotechniques. Pendant que se déroulait le spectacle, devant la Malmö Arena, la police, présente en nombre, a dispersé une centaine de manifestants pro-palestiniens dont la militante écologiste Greta Thunberg.
Après le défilé des candidats et en attendant les résultats, le 50ème anniversaire de la victoire d’ABBA était à l’honneur. Le quatuor n’a pas participé à la soirée, malgré de multiples rumeurs, mais ils étaient tout de même présents avec une version de Waterloo par trois anciennes gagnantes : Charlotte Perrelli, Carola et Conchita Wurst. Auparavant, petit sursaut de fierté française : les Suédois Alcazar avaient interprété leur tube de 2000 Pleurer dans la discothèqueconstruit sur un échantillon de Entretoisede notre Sheila.
L’intermède s’est terminé avec la Suédoise Loreen, gagnante avec Tatouage de l’édition 2023 et seule femme couronnée deux fois. Attelée comme Barbarella dans une armure d’heroic fantasy, elle a interprété plusieurs de ses tubes dans une ambiance futuriste et onirique qui a électrisé le public.
En éteignant la télé, ou l’ordinateur, il y avait un sentiment de soulagement parmi des dizaines de millions d’Eurofans, après des mois de chocs émotionnels qui ont déstabilisé le programme musical le plus suivi de la planète. Sur la table basse, fini les saucisses cocktail, fini les cubes de fromage avec des énigmes, fini les plantigrades gommeux ou les cacahuètes au chocolat. Rien que des bols vides.