Sous la pression des éleveurs, une cinquantaine de pays se sont accordés mardi à Strasbourg pour abaisser le niveau de protection du loup en Europe, une décision qui pourrait faciliter son abattage mais qui a fait hurler les défenseurs de la faune.
Le loup, exterminé au début du XXe siècle dans plusieurs pays, fait son grand retour ces dernières années, suscitant la colère des éleveurs qui dénoncent les attaques contre les troupeaux.
Plusieurs mois après des manifestations d’agriculteurs à travers l’Europe, notamment contre les réglementations écologiques, la Convention de Berne, qui assure la protection de la faune sauvage, a approuvé un déclassement de la protection du loup, qui va changer d’espèce. « strictement protégé » a « protégé ».
« On ne pourra pas se lancer dans la chasse aux loups sans aucun cadre »Yann Laurans, directeur du programme WWF-France, l’a expliqué à l’AFP, mais cette décision permettra « de généraliser la possibilité de tirer et de tuer les loups, selon des règles qui doivent être déterminées au niveau national ».
En France par exemple, le vote de la Convention de Berne « ne changera pas grand chose »prédit Dominique Humbert, président de l’Observatoire du loup, car Paris autorise déjà, par dérogation, l’abattage du canidé dans des conditions bien précises pour protéger les troupeaux.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué «une nouvelle importante pour nos communautés rurales et nos éleveurs».
Mais les défenseurs des droits des animaux ont dénoncé une décision « politiquement et scientifiquement infondé »lors d’une conférence de presse de plusieurs associations à Paris.
« Ça commençait tout juste à aller mieux pour le loup »a regretté Daniel Thonon, de la LPO. « Le taux de survie est déjà faible : moins de deux tiers des adultes survivent, et deux tiers des jeunes meurent en un an ».
Plutôt que de tirer, les écologistes recommandent d’apprendre à vivre avec les loups.
« La présence humaine est très dissuasive »assure Bertrand Sicard, président de Ferus, une association de défense des grands prédateurs. « Il faut apprendre à lui faire peur, à lui faire peur ».
La décision de la Convention de Berne « ça ne va pas aider à résoudre les difficultés du monde de l’élevage, parce qu’on chasse les loups depuis des années dans les pays européens, 20% disparaissent chaque année en France, et ça ne porte pas ses fruits »Nathan Horrenberger, de l’association Humanité et Biodiversité, a déclaré à l’AFP.
Selon lui, les tirs étaient même « contreproductif »parce qu’ils désorganisent les meutes et créent « des individus plus solitaires, qui se tournent vers des proies plus faciles, à savoir le bétail ».
En fin de compte, M. Horrenberger craint que la décision n’ouvre « La boîte de Pandore » et incite d’autres acteurs à exiger une réduction de la protection pour d’autres espèces comme l’ours, le cormoran ou le lynx.
Cinq voix contre
Les 49 Etats membres de la Convention de Berne, réunis à Strasbourg à huis clos, ont approuvé une proposition déposée en septembre par l’UE.
«La modification entrera en vigueur dans trois mois, à moins qu’au moins un tiers des parties à la Convention de Berne (17) ne s’y oppose»» a déclaré le Conseil de l’Europe, qui accueille la convention, dans un communiqué de presse.
Dans le cas contraire, la décision n’entrera en vigueur que dans les pays n’ayant pas formulé d’objections.
Mais seuls cinq Etats ont voté contre : le Royaume-Uni, Monaco, le Monténégro, l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine, selon l’association écologiste Green Impact, qui s’est dite prête à porter la décision devant la justice européenne.
Plus de 20 000 individus
La colère des éleveurs s’est accentuée ces derniers mois, par exemple en Haute-Saône (est de la France), où le président de la Chambre d’agriculture, Thierry Chalmin, a appelé en septembre les agriculteurs à « sortez armé et frappez un loup si vous en voyez un ! » »
« Le problème est loin d’être résolu car on passe du strict protégé au protégé. Quelle est la différence entre un super-bandit et un bandit ? »a-t-il déclaré mardi à l’AFP.
Le principal syndicat agricole d’Europe, la Copa Cogeca, a salué le vote de Strasbourg. « Nous sommes heureux de voir que les institutions européennes sont à l’écoute des besoins des éleveurs et des communautés rurales, malgré la pression de ceux qui n’ont pas à craindre les attaques »écrit le syndicat dans un communiqué.
En France, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a salué « un signal fort pour permettre enfin de réguler les populations de lupin »dans une déclaration à l’AFP.
Dans l’UE, le nombre de loups était estimé à 20 300 individus en 2023, et à 1 003 en France, soit une baisse de 9 % sur un an.
« Le loup reste une espèce protégée »a souligné la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, dans une déclaration à l’AFP. « Et toute destruction restera, comme aujourd’hui, très encadrée »assura-t-elle.
La Convention de Berne est composée des 46 Etats membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de Saint-Marin, ainsi que de quatre Etats africains : le Burkina Faso, le Maroc, le Sénégal et la Tunisie. L’Union européenne en fait également partie.
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