Kanye a beaucoup de chance. Jeudi 8 août, cette ville anonyme de 47 000 habitants, au sud du Botswana et à la lisière du désert du Kalahari, s’est fait une petite réputation. Et elle l’a fait sur 200 mètres et en l’espace de 19 secondes et 46 centièmes, ce qui constitue une promotion éclair. La ville peut désormais prétendre rejoindre un jour Trelawny (Jamaïque), la ville natale d’Usain Bolt, ou Birmingham (Alabama), la ville dont est originaire Carl Lewis.
Kanye restera donc dans l’histoire comme le lieu où naquit, le 7 juin 2003, le premier médaillé d’or botswanais et le premier champion olympique africain du 200 mètres : Letsile Tebogo. Un sprinter de 21 ans qui vient – peut-être – de marquer de son empreinte le sprint mondial pour les années à venir. Qui a désigné Kanye comme le lieu de naissance de l’élu des pentes ? Dieu comme le croit Letsile Tebogo ou le hasard ? Vaste sujet, insoluble en moins de vingt secondes chrono.
Ce 200 mètres olympique ? Ce fut une bataille redoutable dans le tumulte du Stade de France. L’une des plus denses et rapides de l’histoire, avec quatre coureurs sous la barre des vingt-deuxièmes : Letsile Tebogo et trois Américains, Kenneth Bednarek (19.62), Noah Lyles (19.70), Erriyon Knighton (19.99). Inédit comme le fut le 100 mètres, disputé quatre jours plus tôt, où tous les concurrents avaient terminé sous les dix secondes. C’est comme si la piste violette du Stade de France était en fait un tapis de charbons ardents qu’il fallait traverser sans s’attarder.
Jeudi, lorsque Letsile Tebogo est sorti du virage sur la même ligne que les Américains, l’affaire était encore indécise, la victoire était en jeu. On pensait même que c’était un suspense. Mais le Botswanais a montré sa puissance et s’est irrésistiblement éloigné. Il s’est même permis la plaisanterie de se frapper la poitrine là où se trouvait le cœur avant de franchir la ligne. Il avait gagné, battant son record personnel qui est aussi le record africain.
Moins de vingt secondes plus tôt, Noah Lyles faisait toujours figure de favori. Vainqueur du 100 mètres pour cinq millièmes d’avance, il espérait décrocher jeudi soir sa deuxième médaille d’or, lui qui en avait lorgné quatre à ses Jeux, avec les deux relais du 4×100 et du 4×400. Il s’agissait de rééditer l’exploit de Carl Lewis à Los Angeles et de Jesse Owens à Munich. Dans l’athlétisme américain, la victoire ne suffit pas, c’est tellement banal. Seule la boulimie permet d’entrer dans l’histoire. Mère sprinteuse, père sprinteur, Noah Lyles connaît l’équation de son sport.
Hommage à sa mère
Le garçon aime faire le spectacle. Jeudi, son arrivée exubérante sur la piste ressemblait déjà à une sortie triomphale. Il avait des raisons légitimes de se mettre en valeur. Il n’avait plus été battu sur 200 mètres depuis août 2021, après une médaille de bronze décevante aux Jeux de Tokyo.
Il vous reste 60.28% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.