« L’être humain l’a dans ses gènes », pourquoi l’escalade est si populaire en France
Le démarrage des épreuves d’escalade aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris permet de mesurer toute la folie qui entoure la discipline. En France, ce grand boom s’explique par des raisons bien particulières.
Les acclamations, qui descendent tout droit des tribunes chauffées à blanc par le soleil brûlant de cette fin de matinée du mardi 6 août, s’entendent à quelques centaines de mètres. Idéal pour repérer le site d’escalade du Bourget, situé en bordure de l’autoroute A1, à un bon kilomètre à pied de la gare RER. Idéal, aussi, pour jauger tout l’engouement autour de cette discipline.
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« Cela fait 20 ans que cela dure, 20 ans que notre nombre de licenciés augmente de 5 % par an », a déclaré Alain Carrière, président de la Fédération française d’alpinisme et d’escalade (FFME), interrogé lors de la deuxième journée de compétition des JO 2024, ce mardi. « Ce qui se passe ici n’est que la continuation d’un mouvement qui ne cesse de s’amplifier. »
Depuis plusieurs années, la pratique de l’escalade, entrée au programme olympique pour les Jeux de Tokyo en 2021, explose en France. Actuellement, 120 000 personnes sont licenciées en France, un chiffre qui a doublé en l’espace de 12 ans. Ce chiffre n’inclut pas les salles privées, qui progressent encore plus vite que les salles et clubs publics. Ni le nombre total de pratiquants, difficile à estimer. « Qu’est-ce qu’un grimpeur ? Quelqu’un qui grimpe tous les ans ? Tous les mois ? Toutes les semaines ? Il y a probablement entre un et deux millions de pratiquants en France », assure Alain Carrière.
« Avec le prix d’un terrain de football stabilisé, on peut construire un mur de niveau international »
Si l’on met de côté la pratique en extérieur, les salles d’escalade indoor sont de plus en plus nombreuses sur le territoire. « C’est un appareil sportif qui ne coûte pas cher du tout. Pour quelques centaines de milliers d’euros, on peut mettre beaucoup de grimpeurs en même temps dans la salle. Les opérateurs privés l’ont bien compris. Si autant de salles privées ouvrent, c’est que l’investissement est rentable », explique Alain Carrière. « Avec le prix d’un terrain de foot stabilisé, on peut construire un mur de niveau international. Cela donne une idée », complète Pierre-Henri Paillasson, le directeur technique national (DTN) de la FFME.
Mais comment expliquer que la pratique de l’escalade passionne autant les foules ? « C’est toujours un grand frisson et c’est très accessible », confie Raphaël, qui pratique depuis une dizaine d’années. « Il suffit d’une paire de chaussures, on peut même commencer avec des chaussures de course ! Et puis on peut le faire n’importe où. Selon les salles, il n’y a jamais un bloc ou une prise identique. Même quand ce sont les mêmes, ils s’usent différemment. Du coup, on peut aller n’importe où et on n’aura jamais la même chose. C’est infini, comme de la musique ! » assure le trentenaire, que nous avons rencontré juste après les demi-finales féminines de l’épreuve de bloc.
« Cela correspond bien aux attentes actuelles »
L’accessibilité serait en effet la clé du succès de l’escalade en France. « L’escalade est une activité où l’on prend tout de suite du plaisir. Il n’y a pas besoin d’apprendre », ajoute Pierre-Henri Paillasson. « À partir du moment où l’on grimpe un mur de 1,5 m ou de 2 m, on ressent des sensations. Sur les murs, il y a tous les niveaux. Les débutants peuvent grimper tout de suite sur une voie adaptée à leur niveau. »
Même si le public est très varié, l’escalade est particulièrement appréciée des jeunes. « Elle correspond bien aux attentes actuelles, assure le président de la FFME. C’est une activité où l’on a l’impression de faire du sport, on a mal aux muscles. C’est un sport très complet. Les bras sont importants mais aussi les jambes, le gainage. C’est aussi bon pour le mental car on se creuse la tête et on est avec les autres. Il y a une grande convivialité entre grimpeurs, les confirmés s’entraident, les débutants sont conseillés par les confirmés. » Une convivialité validée par Raphaël, qui a commencé par l’escalade en extérieur avant de pratiquer en salle. « En escalade, personne ne se juge. Il n’y a pas de compétition entre nous, on s’entraide. »
Et puis il y a quelque chose d’inné dans l’escalade, qui ramène l’être humain à ses origines. « Grimper est un geste naturel. Un bébé d’un an tire sur ses bras et ses jambes pour monter sur le canapé avant même de savoir marcher. Et on ne perd jamais ce geste naturel. Après, on met des barrières parce qu’on a peur du vide, peur de tomber », assure Alain Carrière. Un avis partagé par son DTN : « C’est certainement pour ça que ça marche si bien. L’être humain l’a dans ses gènes. Avant, l’homme grimpait à un arbre pour se nourrir ou échapper aux prédateurs. » Désormais, il le fait aussi pour gagner des médailles olympiques.