C’est un impressionnant concert de voix, entendu à maintes reprises. D’abord un crescendo de souffle porteur d’attentes. Inutile de tendre l’oreille, les vibrations s’imposent. Là, dans les tribunes, quelque 120 000 cordes vocales se déploient. A l’entrée du dernier virage, quand un maillot bleu apparaît encore à l’appel, les encouragements deviennent vacarme. L’enceinte s’anime, vivifie, pousse. Une déferlante de décibels, une promesse d’ivresse.
Mais l’instant d’après, la fureur retombe. Dans la dernière ligne droite, la clameur ne s’arrête pas complètement, elle s’apaise. Même les yeux fermés, à la simple écoute de ce subtil decrescendo, il n’y a plus de doute : une fois de plus, les espoirs d’euphorie bleue se sont évaporés. Depuis une semaine, résonne, dans les tribunes du Stade de France, un refrain, trop souvent répété. Le pays hôte court toujours après sa première médaille.
Vendredi 9 août, en fin de soirée, un sentiment de déjà-vu planait sur l’anneau violet olympique. Lorsque Clément Ducos, 23 ans, est apparu sur la piste en finale du 400 m haies, les acclamations ont rempli le stade. Le Français, invité surprise de la course, s’est frappé la poitrine. Puis il a levé les bras avant le départ, pour haranguer cette foule qui ne demandait qu’à perdre la tête.
« J’avais envie de gratter un peu plus d’énergie auprès du public »dira-t-il plus tard. La foule le pousse, à l’entrée du dernier virage, dans un immense rugissement. Mais Clément Ducos frôle la huitième haie. Sans vraiment ralentir, il est incapable d’accélérer. Les trois cadors de la discipline s’envolent. Le Français termine quatrième (47,76 secondes), à une demi-seconde du podium. Assez loin du vainqueur, Rai Benjamin (46,46 secondes). L’Américain de 27 ans, double vice-champion du monde et vice-champion olympique aux Jeux de Tokyo, peut savourer ce nouvel or. Le métal précieux lui résiste longtemps, à cause du Norvégien Karsten Warholm, deuxième pour une fois, devant le Brésilien Alison dos Santos.
Pas d’extase du côté du public français. Long silence de Clément Ducos, devant les micros. Il a eu du mal à trouver les mots. Seules les larmes, au début, sont venues. « Je voulais la médailleil a simplement dit. Mais ils étaient plus forts que moi. À quel point l’athlétisme français doit-il être mauvais pour qu’un parfait outsider, inconnu du grand public, porte une partie des espoirs nationaux après huit jours de compétition ?
Clément Ducos, avant cette semaine, n’avait jamais couru en dessous de 48 secondes, à mille lieues des meilleurs standards mondiaux. Il l’a fait à trois reprises au Stade de France, dont la finale, après avoir amélioré son record personnel de plus d’une demi-seconde en série. Exilé aux Etats-Unis, il a vu ses chronos exploser ces derniers mois et n’avait jamais brillé, ou presque, en France. Hormis quelques connaisseurs optimistes et lui-même, personne ne s’attendait à ce qu’il atteigne ce niveau.
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