« L’État français n’a rien appris de l’histoire » : à Kanaky, la déportation de sept indépendantistes relance la révolte
C’est une pratique que Kanaky – Nouvelle-Calédonie n’a pas connue depuis les « événements » des années 1980 : le transfert de prisonniers indépendantistes vers les prisons du continent. En prenant une telle décision, le juge des libertés, en liaison avec le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas, a signé un acte colonial d’un autre temps : la dernière affaire similaire remonte à l’époque de la prise d’otage de la grotte d’Ouvéa, en 1988. « Une déportation politique ! » dénonce l’Union calédonienne, l’une des principales composantes du FLNKS, dont sont membres la plupart des militants arrêtés.
Sur les onze personnes arrêtées et mises en examen, sept ont donc été amenées en métropole à bord d’un avion spécialement affrété dans la nuit de samedi à dimanche, et dispersées dans plusieurs prisons. A commencer par Christian Bichou Tein, commissaire général du CCAT, et deux femmes avec de jeunes enfants.
Le CCAT dans le viseur d’Emmanuel Macron
Tous sont issus de la Cellule de coordination de l’action de terrain (CCAT), émanation d’une partie du mouvement indépendantiste, notamment l’Union calédonienne (UC) et l’Union des syndicats des travailleurs kanak et exploités (Ustke), créées en novembre 2023 pour mener le défi. au projet de loi constitutionnelle instituant le dégel du corps électoral aux élections provinciales dans l’archipel.
Des actions pacifiques, avec de grandes manifestations – jusqu’à 60 000 personnes en avril dernier – avaient été menées, avant l’embrasement du 14 mai dû au vote de ce projet contesté par l’Assemblée nationale. « Les responsables du CCAT ne sont en aucun cas des commanditaires d’exactions mais aujourd’hui des martyrs de la justice coloniale. Tout ce qu’ils ont fait, c’est organiser des manifestations pacifiques contre le dégel du corps électoral depuis plus de six mois.fait valoir l’Union calédonienne.
Sans surprise, Kanaky – Nouvelle-Calédonie était une nouvelle fois en feu dès l’annonce de ce transfert. Dans la nuit de dimanche à lundi, de nombreux barrages routiers ont été érigés à Dumbéa, où les locaux de la police municipale ont été incendiés, et à Païta, dans la banlieue de Nouméa, ainsi que dans plusieurs quartiers de la capitale.
Des affrontements ont eu lieu entre des militants kanak et les forces de l’ordre de métropole, qui sont désormais plus de 3 000 sur l’archipel. Sur l’île de Maré, la brigade de gendarmerie a également été prise pour cible par des manifestants. Les révoltes s’étendent désormais à tout l’archipel.
Pour le CCAT, « l’État français et sa justice néocoloniale veulent réduire toute la mobilisation pacifique et la révolution commencée le 13 mai au soir à des actes de terrorisme. L’exil des insurgés kanak s’inscrit dans une longue tradition coloniale, comme le rappelle l’UC : « Cette décision démontre que les juges et l’État français n’ont rien appris de l’histoire (…). La déportation des fonctionnaires et des militants est une habitude mise en œuvre par la France depuis sa prise de pouvoir en 1853. »
Les sept détenus ont fait appel, mais leurs avocats ne se font aucune illusion. A une semaine des élections législatives, la France s’enfonce dans un conflit colonial d’un autre âge.
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