L’Espagne peut-elle servir de modèle à la France ?
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L’Espagne peut-elle servir de modèle à la France ?

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Quelle augmentation pour le salaire minimum espagnol ?

Depuis l’arrivée au pouvoir du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez à l’été 2018, le salaire minimum espagnol (SMI) a connu six revalorisations successives, pour une hausse totale de 54 %. Le SMI est ainsi passé en six ans de 859 euros bruts par mois (735 euros sur 14 mois, les salariés espagnols bénéficiant d’un 13e et d’un 14e mois) à 1.323 euros mensuels (1.134 euros sur 14 mois).

L’objectif, désormais atteint, était de porter le salaire minimum à environ 60 % du salaire moyen espagnol, qui s’élevait à 2.128 euros bruts par mois en 2023, selon l’Institut national de la statistique. Selon l’exécutif, cette augmentation, fruit d’un accord entre les socialistes et leurs partenaires de la gauche radicale (Podemos puis Sumar), a bénéficié à 2,5 millions de personnes, soit 12 % des salariés.

« L’augmentation a été très significative », note Juan Carlos Martínez, professeur à l’école de commerce IE University de Madrid, évoquant un niveau de revalorisation « probablement sans précédent en Europe ». Ces dernières années, d’autres pays européens ont également augmenté leur salaire minimum, mais de manière beaucoup plus mesurée, comme l’Allemagne (+22% en 2022) et le Royaume-Uni (+10% en début d’année).

Quel impact sur l’économie du pays ?

Les organisations patronales, ainsi que la Banque d’Espagne, avaient tiré la sonnette d’alarme, disant craindre une perte de compétitivité pour les entreprises et des effets dévastateurs sur l’emploi. Mais « ces prévisions négatives ne se sont pas confirmées », a rappelé mardi le ministre espagnol de l’Economie Carlos Cuerpo, assurant que la hausse du SMI avait soutenu le pouvoir d’achat et stimulé l’activité.

Avec 5,8% puis 2,5% de croissance en 2022 et 2023, l’économie espagnole s’est en effet révélée l’une des plus dynamiques de la zone euro après la crise du Covid-19. Ce rebond de l’activité a permis un niveau record de création d’emplois (780.000 en 2023), tandis que la rentabilité des entreprises, notamment des PME, s’est renforcée, selon la Banque d’Espagne.

« Il est très difficile de mesurer l’impact de la hausse du SMI » sur l’emploi et l’activité mais « une chose est sûre, elle n’a pas provoqué de chute de l’économie espagnole », résume Juan Carlos Martínez. Dans un rapport de 2023, les économistes de BBVA, initialement critiques envers cette mesure, ont ainsi reconnu les « bénéfices évidents » de la hausse du SMI sur les budgets des ménages, en pleine inflation galopante.

Un constat nuancé de Rafael Pampillon, professeur à l’université Ceu San Pablo, qui souligne que le taux de chômage espagnol (12,3%) reste le plus élevé de la zone euro et aurait pu baisser plus fortement. « Il y a des emplois qui auraient pu être créés et qui ne l’ont pas été », juge l’économiste, rappelant que la Banque d’Espagne avait estimé ce chiffre à « au moins 100.000 » pour la première revalorisation de 2019.

Un modèle pour la France ?

De nombreux économistes appellent à la prudence. « La comparaison est tentante mais il faut être prudent », prévient Rafael Pampillon, pour qui les situations en Espagne et en France sont très différentes. Le salaire minimum espagnol était en effet extrêmement bas et a rattrapé son retard. Il reste aussi bien inférieur à celui de la France (400 euros de moins), où le coût du travail est l’un des plus élevés de l’UE.

La hausse du SMI s’est également produite dans un contexte de forte inflation (20% entre 2019 et 2024) et a servi à compenser la hausse des prix. Mais cette envolée est terminée et l’inflation tend à se normaliser. Cette revalorisation est surtout intervenue alors que l’Espagne bénéficiait de « facteurs favorables très spécifiques », comme le rebond du tourisme et l’aubaine du plan de relance européen, rappelle Raphaël Pampillon.

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