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« L’escrime reste encore trop pour une élite »

L’ART DU SPORT – Le maître d’armes, chorégraphe du Chef et D’Une question d’honneurest un passionné de duel. Athlétique et artistique.

Il est responsable des combats dans les meilleurs films de cape et d’épée des trente dernières années. Cyrano de Bergerac Et Le Hussard sur le toit par Jean-Paul Rappeneau, Le Bossu par Philippe de Broca, Fanfan la Tulipepar Gérard Pirès, Une question d’honneur par Vincent Perez. Ou encore Liaisons dangereuses de Stephen Frears, ce qui lui a permis de travailler avec William Hobbs, le chorégraphe de Duellistes de Ridley Scott. Suivant les traces de son père Claude, Michel Carliez est devenu le grand cascadeur et maître d’armes du cinéma français. Un fin escrimeur qui a le sens de l’escrime.

LE FIGARO.- L’escrime au Grand Palais, vous ne pouvez pas rater ça ?

Michel CARLIEZ.- Oui, j’y assisterai à quelques événements mais on voit très bien les choses à la télé. Je surveillerai de près tous les sports de combat. Comme l’escrime, le judo est un grand pourvoyeur de médailles. Mais Place de la Concorde, le BMX et le skateboard, il faudrait que ce soit visuellement beau. C’est une déformation professionnelle du fait que je suis cascadeur. Aujourd’hui, je réalise plus que j’exécute mais tous les sports de spectacle m’intéressent.

L’escrime est-elle mieux vue à la télévision ? ?

Sauf si vous êtes au premier rang, oui. Les caméras filment très bien l’escrime. Je milite pour que l’escrime sportive soit moins confidentielle. Elle s’adresse toujours à une sorte d’élite, même s’il y a eu de réels progrès pour la rendre plus accessible. Des décisions devraient être prises au niveau de la Fédération internationale d’escrime (FIE). Cela passe par l’épaisseur des lames ou le port d’un masque translucide. Pour un escrimeur, cela change tout de voir les yeux de son partenaire. Tactiquement, ce serait intéressant. Et pour le public. Il y a eu des tentatives mais elles n’ont pas abouti. La technologie d’aujourd’hui permettrait aussi de se passer de fils. Si on enlève les fils, on n’est plus obligé de rester sur une ligne droite. Cela changerait les combats, notamment l’épée, l’arme de duel où il n’y a pas de convention, pas de principe parade-riposte à respecter. Et où toutes les touches comptent, même simultanées, sur toute la surface du corps, des pieds à la tête. Pourquoi ne pas envisager une zone de combat circulaire ? Cela rendrait l’escrime plus attrayante.


En escrime, comme dans tout sport de combat, on recherche la vitesse. Sur une scène ou un plateau de cinéma, il faut amplifier les mouvements.

Faites-vous toujours partie du comité directeur de la Fédération Française d’Escrime (FFE) ? ?

Oui, notamment pour promouvoir l’escrime artistique et de spectacle. Avec d’autres, j’ai alerté la direction sur certains choix opérés depuis quatre ans. Malheureusement, nous avons eu raison. On a beaucoup parlé des dissensions dans la presse, mais heureusement tout le monde a tempéré ses propos. C’est le propre d’un champion de s’enfermer dans sa bulle. Les Championnats d’Europe ont montré que les escrimeurs français étaient concentrés sur le sport. Aussi bien les épéistes que les sabreurs.

D’où vient l’excellence de l’escrime française ? ?

La France et l’Italie sont les berceaux de l’escrime. Louis XIV avait des maîtres d’escrime français et italiens. Ce sont deux pays qui sont cousins ​​par la langue et la culture. Et deux grandes écoles d’escrime. Christian d’Oriola, Philippe Riboud, Philippe Boisse, Laura Flessel ont brillé par le passé mais la relève est là avec Yannick Borel ou Romain Cannone, pour ne citer qu’eux. Même si aujourd’hui d’autres nations sont compétitives. Le talent de l’escrime française s’exporte. Christian Bauer, grand entraîneur de sabre, est malheureusement parti entraîner en Italie, en Russie et en Chine. Les pays asiatiques sont partis chercher des entraîneurs français et italiens. Les Américains font aussi partie des nations qui comptent.

L’escrime sportive et l’escrime artistique sont-elles si éloignées ? ?

Ce n’est pas la même chose. En escrime, comme dans tout sport de combat, on vise la vitesse. Sur une scène ou un plateau de cinéma, il faut amplifier les mouvements. C’était une des difficultés Une question d’honneurpar Vincent Perez. Un film ne s’adresse pas à une minorité, on essaie de toucher un large public. Est-ce qu’on s’en tient à une certaine vérité ou est-ce qu’on s’en écarte ? Vincent tenait à la réalité du duel à la fin du XIXe siècleet siècle mais il souhaitait que le profane s’y retrouve autant que le connaisseur. Une arme tranchante est plus spectaculaire qu’une arme à pointe. Épées ou sabres, les lames étaient élargies pour mieux visualiser le danger.

François Civil s’est entraîné auprès de l’escrimeur Yannick Borel pour Les trois Mousquetaires

C’est un coup de publicité de dire : « Nous allons faire ce qui n’a jamais été fait auparavant. » Pour apprendre les bases peut-être, et encore. Le poids des armes n’est pas le même. On ne tient pas les épées de la même façon. Un cascadeur sait qu’on ne peut pas transposer l’escrime sportive sur un plateau. Une épée n’est pas une batte de base-ball. On peut casser les codes jusqu’à un certain point. Si on fait un film sur le football, on ne donne pas un ballon de rugby aux joueurs.

Quand avez-vous commencé l’escrime ? ?

Je suis arrivé à l’escrime sur le tard. J’ai commencé à 12 ans au lycée, à Nogent sur Marne. Ce n’est pas mon père qui m’a mis une arme entre les mains. J’ai continué en club. Le fleuret d’abord, l’arme de l’école, puis le sabre, qui se rapproche le plus des films de cape et d’épée que mon père réalisait. Adolescent, j’ai rejeté son métier. C’est par ma sœur, monteuse, que je suis venu au cinéma. J’ai fait des stages mais je me suis rendu compte que rester enfermé toute la journée dans une salle de montage n’allait pas marcher. J’ai remis en question le métier de mon père. J’étais sportif. Je faisais de l’aïkido, de l’équitation, mais mon père m’a encouragé à élargir mon champ. Être cascadeur, ce n’est pas être spécialiste d’un domaine. Il faut avoir une certaine polyvalence. Il m’a conseillé de passer un diplôme d’État. J’ai étudié deux ans à l’Insep pour obtenir mon diplôme de maître d’armes. C’était quand même une vraie formation. Il fallait connaître les trois armes. Ce n’est plus le cas, une seule arme suffit aujourd’hui.

Vous n’avez jamais pensé à pratiquer l’escrime sportive à haut niveau ?

Je n’avais pas l’âme d’un « tueur ». Même si j’ai fait mon service militaire au bataillon de Joinville à Fontainebleau, qui accueille les conscrits sportifs. J’ai fait partie de l’équipe militaire française d’escrime pendant un an. Mais j’étais déjà un artiste.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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