les zones grises du contrat entre Sanofi, l’Etat et le fonds CD&R
Ce matin, le ministre de l’Economie s’est félicité d’avoir obtenu un accord tripartite entre l’Etat, Sanofi et le fonds d’investissement américain CD&R pour la cession de 51% d’Opella. Filiale de Sanofi, cette dernière produit notamment du Doliprane. Cet accord permettra « le plus haut niveau de garanties possible » à savoir le maintien de l’emploi, la production, l’approvisionnement du marché français, la gouvernance et le développement de l’entreprise, fait valoir le gouvernement.
L’État prend également une participation de 1 à 2 % dans Opella via Bpifrance, une manière d’avoir » un point de contrôle supplémentaire » sur les décisions de la future ancienne filiale de Sanofi en termes de stratégie sur le territoire national. Mais ces propos se heurtent à plusieurs zones d’ombre dans l’accord, qui laissent entrevoir de possibles contournements. Tout d’abord, la très faible participation de l’État… dont on ne connaît pas entièrement la part. Mais qu’il s’agisse de 1 % ou de 2 %, le gouvernement ne pourra pas bloquer une décision CD&R.
« Soit il est naïf, soit il prend les gens pour des imbéciles, car ce n’est pas avec 1% du capital que l’Etat aura son mot à dire dans les décisions stratégiques qui seront prises par le groupe », a tempéré Manuel Bompard, le coordinateur de La France insoumise, ce lundi au micro de TF1, demandant que ce transfert soit bloqué.
Inquiétudes concernant l’emploi
Concernant l’emploi, cet accord prévoit une pénalité de 100 000 euros par licenciement dans le cadre d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Par ailleurs, le fonds américain doit assurer la pérennité des sites de production, à Lisieux comme à Compiègne, sous peine d’amende pouvant aller jusqu’à 40 millions d’euros.
Des garanties qui rappellent celles demandées à General Electric, autre géant américain pour le rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015. Depuis, près de 3.000 emplois ont été supprimés, dont 360 il y a à peine un mois, alors qu’il promettait d’en créer 1.000. Le groupe américain a préféré payer les amendes.
Pour Opella, sur les 5,2 milliards d’euros en 2023 que représente son chiffre d’affaires, ces sanctions apparaissent assez faibles, bien que supérieures à celles de General Electric à l’époque. L’exécutif a néanmoins veillé à maintenir un niveau minimum de valeur ajoutée sur les chantiers, permettant d’éviter des licenciements abusifs pour non-rentabilité orchestrés par le groupe. « Les salariés ne sont en aucun cas rassurés », a déclaré Johann Nicolas, délégué CGT du site de Lisieux à l’AFP.
Débat autour du prix du Doliprane
Autre zone d’ombre dans l’accord : quel avenir pour la distribution du Doliprane ? Si les filières amont sont protégées par une garantie de maintien des contrats avec les usines de production de Paracétamol de Seqens en Isère et Ipsophène à Toulouse, des interrogations demeurent pour le médicament le plus consommé en France.
Et pour cause, le fonds américain va vouloir réaliser des volumes importants et accroître la rentabilité des médicaments de la filiale. Le Doliprane, vendu avec ou sans ordonnance, n’est pas assez cher selon les lobbies pharmaceutiques. Ils réclament une augmentation du prix des médicaments, 10 à 20 % moins chers que chez nos voisins européens, selon eux.
La filiale Sanofi pourrait envisager de mettre en vente le Doliprane sans ordonnance et sans remboursement par la Sécurité sociale, afin de pouvoir en fixer librement le prix. Récemment, c’est Novo Nordisk avec Wegovy, ce traitement anti-obésité très attendu en Europe après avoir fait un carton aux Etats-Unis, qui n’a pas souhaité entrer sur le marché du médicament pour être libre de fixer son prix.
De son côté, le gouvernement n’a pas expliqué son rejet de l’offre de PAI Partners. En fin de semaine dernière, ce fonds d’investissement français, soutenu par des investisseurs internationaux, a augmenté son offre de 200 millions d’euros supplémentaires par rapport à son offre initiale. Il a ainsi laissé entendre que son offre était supérieure à celle de CD&R.
Dernière inconnue et non des moindres : l’accord n’est valable que pour une durée de cinq ans. Après cela, plus rien n’empêchera CD&R de sortir la production depuis la France.