Les Jeux ne doivent pas se résumer à une démonstration de force tous les quatre ans. Ils nécessitent de l’esprit, de la délicatesse, de la sensibilité. « Les lettres et les arts, harmonieusement associés au sport, ont assuré la grandeur des Jeux Olympiques »écrivait Pierre de Coubertin. Référence aux anciens Jeux de Delphes, où musique, chant, poésie et théâtre faisaient partie du programme.
Pour le baron, la culture devait avoir une place à la table du mouvement olympique. Il l’avait d’ailleurs fait savoir en 1906, lorsqu’il avait poussé, à Paris, les membres du Comité international olympique – plutôt réticents – à rencontrer le monde artistique pour en discuter. Le patron avait insisté pour que des concours d’art et de littérature puissent être organisés pendant les Jeux olympiques, même si certains ne voyaient aucun intérêt à unir ainsi le corps et l’esprit.
Deux Olympiades plus tard, en 1912 à Stockholm, des « athlètes » artistiques pouvaient remporter des médailles pour la composition de partitions musicales, de peintures, de sculptures, d’œuvres architecturales et littéraires. Une seule contrainte dans ces cinq « épreuves » : elles devaient être inspirées par le sport.
Ces concours ont eu lieu sept fois. Ils ont pris fin après les Jeux de 1948. Cette année-là, même si les participants se sont rués à Londres pour exposer leurs œuvres – 400 productions venues d’une trentaine de pays –, les grands artistes de l’époque ont boudé l’événement, et les performances sportives ont éclipsé les œuvres artistiques. Le public n’a pas suivi, et le CIO s’est heurté à trop de difficultés « insurmontables » en termes d’organisation ou même d’évaluation objective des œuvres.
De plus, certains artistes ont vécu de leur talent, violant ainsi le principe de base des Jeux qui était l’amateurisme : pas de rémunération pour la pratique de sa discipline. Les compétitions furent définitivement retirées du programme olympique quelques années plus tard. Certains personnages ont néanmoins marqué l’histoire des Jeux à travers ces compétitions.
C’était le cas de l’Américain Walter Winans, qui avait remporté l’or à Stockholm en 1912 pour sa sculpture en bronze d’un trotteur. Aux mêmes Jeux, il avait aussi remporté l’argent au tir : il avait remporté le titre olympique dans cette discipline quatre ans plus tôt. Et deux célèbres inconnus aux noms germaniques avaient également remporté l’or au concours de littérature sportive en 1912. Les Allemands M. Eschbach et Georges Hohrod avaient brillé par leurs Ode au sportune véritable déclaration d’amour, qui commençait par : « Ô sport, plaisir des dieux, essence de la vie. » Sept ans plus tard, on révéla que M. Eschbach et Georges Hohrod n’avaient jamais existé, qu’ils étaient des nominés – pour participer incognito – empruntés par… Pierre de Coubertin