Donald Trump revient à la présidence des Etats-Unis : de quoi inquiéter les viticulteurs bourguignons qui exportent près de 20 % de leur production outre-Atlantique. Ils pourraient perdre gros alors que le secteur connaît une dynamique positive.
« On a peur aujourd’hui, vu ce qu’il aurait pu faire il y a 4 ans ». à Premeaux-Prissey (Côte-d’Or), Raphaël Dubois produit 21 appellations viticoles sur ses 21 hectares de terres, dont près de 10 % sont destinés au marché américain. Avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il s’inquiète.
« Il fallait qu’il aille aux Etats-Unis »souligne le vigneron devant une cargaison de bouteilles de vin en partance pour le Minnesota, qu’il a finalement décidé de ne pas livrer à son potentiel acheteur.
« Depuis septembre, nous n’avons plus rien. Plus de son, plus d’image. Nous avons essayé 4-5 fois de les contacter, par mail, par téléphone, nous n’avons jamais réussi à joindre les bonnes personnes au point d’obtenir des réponses »ajoute Raphaël, qui pour des raisons de sécurité, a décidé de garder sa marchandise impayée pour la revendre sur d’autres marchés.
Un silence qu’il impute à la tournure prise par la campagne présidentielle… et qui ne le rassure pas au vu des intentions du nouveau président américain.
Lors de son premier mandat, Donald Trump a instauré une taxe de 25 % sur les vins français. Une mesure de rétorsion prise en 2019, en réponse à la guerre commerciale entre Boeing et Airbus. Les exportations de vins bourguignons chutent alors de 25 %.
«Il a toujours défendu l’idée de ‘l’Amérique d’abord’ et de taxer les produits importés. Je ne serais pas surpris s’il le faisait.avoue Raphaël, qui craint de voir ses clients s’approvisionner ailleurs, auprès de producteurs moins chers. Des clients qui pourraient même arrêter de boire du vin.
« Une augmentation des prix de 10 à 20 % due à une taxe peut constituer un frein à la consommation », souligne le vigneron bourguignon.
Depuis le moratoire de 2021, le marché du vin a repris des couleurs. « Le secteur bourguignon est actuellement légèrement positif. Depuis le début de l’année, nous avons recommencé à légèrement progresser, notamment sur le marché américain qui est un marché dynamique »explique Laurent Delaunay, président de l’Office interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
20 % de la production régionale est destinée aux États-Unis, soit environ 20 millions de bouteilles par an. Le pays représente le premier marché des exportations bourguignonnes.
Notre crainte serait la combinaison des deux : la mise en place de droits de douane de 10 ou 20 %, plus la réintroduction de cette taxe. Ce serait assez dramatique pour les vins français et les vins de Bourgogne en particulier. Si nous perdions du terrain sur notre premier marché d’exportation, nous préférerions entrer dans une spirale négative. Il y a des raisons de s’inquiéter.
Laurent DelaunayPrésident du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
« Ce n’est pas quelque chose que nous avons connu à ce niveau au cours des 20 à 40 dernières années. Nous nous rendons compte que nous sommes réellement dans des tensions géopolitiques qui nous dépassent. On a l’impression d’être un lien assez fragile« , ajoute le commerçant.
L’incertitude plane mais les vignerons gardent espoir. Ils misent tout sur le rôle de négociation de la Commission européenne.
« Nous savons que le président Trump est assez joueur : c’est un négociateur. Il aime utiliser le bras de fer pour commencer par faire des compromis plus tard. Nous pouvons donc espérer que si cela va dans cette direction, il pourra y avoir des négociations et que la Commission européenne parviendra en substance à trouver un accord. »conclut Laurent Delaunay.
Lui, comme Raphaël, dispose encore de quelques semaines de répit jusqu’au 20 janvier, date à laquelle prendra ses fonctions le 47e président des États-Unis.