A une semaine de l’élection présidentielle du vendredi 28 juin, organisée après la mort d’Ebrahim Raïssi dans un accident d’hélicoptère en mai, les universités se retrouvent au cœur de cette campagne improvisée. Malgré la fin des cours et la tenue des examens, les recteurs et les administrateurs ont exhorté les professeurs à être sur le pont. Et les établissements se sont transformés en lieux de rencontre avec les six candidats ou leurs représentants.
Mais cet activisme forcé laisse de marbre de nombreux étudiants, convaincus que le vote n’est qu’une élection simulée. Elham Nazari, qui sirote un thé dans un parc près de l’université Sharif de Téhéran où elle poursuit un master en ingénierie, dénonce « cirque ». «Au moins avant, il y avait un peu d’excitation lors des élections. Il ne reste plus que les affiches. » déplore l’étudiant, vêtu d’un long manteau noir et d’un foulard, dans la chaleur de la capitale. Ce manque d’enthousiasme et d’engagement étudiant s’explique facilement à ses yeux.
« Le dispositif de sécurité ne permet pas l’engagement politique. Tous les jeunes Iraniens en ont fait l’expérienceElle ajoute. Les sanctions disciplinaires ou judiciaires et le contrôle strict exercé sur les voix protestataires ont rebuté les étudiants. »
Pour les jeunes femmes, l’application rigoureuse du port obligatoire du hijab renforce cette tendance. Elles ne sont autorisées à se rendre sur le campus que si elles portent un voile et un long manteau. La police des mœurs stationnée à l’entrée des universités et des patrouilles à l’intérieur des établissements s’activent pour harceler les étudiantes au sujet de leur tenue vestimentaire.
Un « environnement militarisé »
« Les services de renseignement, militaires et judiciaires ont intensifié la pression sur les étudiants critiques, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du campus. » note Marvarid Noori, qui étudie la sociologie à l’université de Téhéran, dénonçant une «environnement militarisé». « Depuis des années, les étudiants sont la voix de la société à travers leurs rassemblements et leurs slogans pour marquer leurs désaccords fondamentaux avec la République islamique. Mais là, les opposants ne vont pas se mobiliser pour des élections organisées par ce même régime.» ajoute la jeune femme.
Selon elle, les revendications des étudiants sont : « Dynamique démocratique, élections libres, libération des prisonniers politiques, liberté de choisir ses vêtements, liberté de la presse… » « Mais le président a-t-il le pouvoir de mettre en œuvre ces changements ? elle interroge. Non. Par conséquent, peu importe qui deviendra le patron. »
Le bureau de représentation de l’ayatollah Khamenei dans les universités a tenté de corrompre les étudiants par le biais de soi-disant organisations de jeunesse – telles que le Basij étudiant, l’Association islamique indépendante des étudiants, la Société islamique des étudiants –, chargées de faire respecter les politiques du pouvoir et d’affaiblir les mouvements indépendants.
« Pour le renversement de la République islamique »
Mais lors des dernières élections législatives de mars, le taux de participation n’a jamais été aussi bas. Les membres de plusieurs organisations étudiantes ont appelé au boycott du vote, sous le slogan : « Notre vote est pour le renversement de la République islamique et la victoire de la révolution Femmes, Vie, Liberté. »
Ali Karimi, secrétaire de l’association islamique de l’université Sharif, a donné le ton lors d’un événement destiné à promouvoir l’élection présidentielle, organisé ces derniers jours dans son établissement. Il en profite pour rappeler les arrestations massives d’étudiants dissidents : « Dans un pays où nos sœurs ne sont pas en sécurité dans la rue à cause de la police des mœurs, nous n’oublierons pas celles qui ont été arrêtées pour avoir montré leurs cheveux. Et nous n’oublions pas les raisons pour lesquelles les Iraniens sont descendus dans la rue lors des manifestations nationales. »
Six candidats en lice
Six candidats, pour la plupart conservateurs, ont été autorisés à concourir à l’élection présidentielle du 28 juin par le Conseil des Gardiens de la Constitution.
Trois sont favoris selon les experts : Mohammad Bagher Ghalibaf, président conservateur du Parlement, Saïd Jalili, ex-négociateur ultraconservateur sur le dossier nucléaire, et Massoud Pezeshkian, député réformateur de Tabriz et ancien ministre de la santé.
Sont également candidats Alireza Zakani, maire de Téhéran, Amir Hossein Ghazizadeh Hashemi, chef ultraconservateur de la Fondation des Martyrs, et le religieux Mostafa Pourmohammadi, ancien ministre de l’Intérieur.
Les candidatures de l’ancien président (2005-2013) Mahmoud Ahmadinejad et de l’ancien président modéré du Parlement Ali Larijani n’ont pas été retenues.