« Les Ukrainiens en sont arrivés au stade où, épuisés par un sprint, on comprend qu’il faut, en réalité, courir un marathon : la guerre sera longue »
toiUn nouveau bruit s’est ajouté à celui des sirènes d’alerte aérienne à Kiev, troublant l’apparence trompeuse d’insouciance de la capitale ukrainienne sous le soleil de juin : celui des générateurs. Effet collatéral de la guerre qui fait rage dans l’est du pays depuis près de deux ans et demi, leur bourdonnement assourdissant devient familier sur les seuils des restaurants dont les terrasses sont pleines. Parce que l’offensive russe ne cible pas uniquement les soldats dans les tranchées ou les bâtiments civils en zone urbaine ; elle détruit également méthodiquement les infrastructures énergétiques de l’Ukraine, provoquant des coupures d’électricité chroniques qui épuisent la population.
Travail de sape systématique, cette destruction, considérée en droit international comme un crime de guerre, a déjà anéanti 50 % de la capacité de production d’électricité en Ukraine et s’attaque aux infrastructures de stockage. L’objectif, selon les autorités, est de rendre les villes invivables. Comment affronter l’hiver sans chauffage ? Kharkiv, la deuxième ville du pays, est régulièrement bombardée. « Je ne pense pas que les Russes veuillent prendre Kharkiv» commente un officier supérieur ukrainien. Ils cherchent à terroriser les gens et à les forcer à quitter les villes. »
Recherchée par Vladimir Poutine, la guerre s’installe, à l’image des générateurs ou des cortèges de soldats en treillis accompagnant le cercueil de l’un des leurs à la chapelle Saint-Michel, un spectacle tragiquement ordinaire à Kiev. Guerre d’usure, guerre d’usure, guerre permanente, elle s’annonce longue, puisque, en revanche, en Russie, l’économie, l’armée et la société se sont réorganisées au service de cette guerre. Dans leur résistance à l’agresseur, les Ukrainiens ont atteint le stade où, épuisés par un sprint, on comprend qu’il faut, en réalité, courir un marathon. Le moment est venu de changer de logiciel, dans tous les domaines.
Porter au niveau de puissance
Le domaine le plus sensible est celui de la mobilisation. Remplacer les soldats qui tiennent difficilement le front depuis 2022 et constituer la force de réserve qui fait cruellement défaut s’avère être un immense défi de société. On découvre au passage, lors d’entretiens avec des responsables civils et militaires ukrainiens organisés par l’Institut français des relations internationales et le think tank local Nouvelle Europe Centre, pour la plupart sous couvert d’anonymat, que l’idée d’accueillir sur place des instructeurs étrangers pour se former recruter est, pour eux, d’abord d’un intérêt politique : ce serait, reconnaît un officier, excellent pour le moral de la population, ainsi qu’un message à la Russie.
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