Les traders parient sur une forte baisse des taux de la BCE
Il s’agit de la plus forte baisse enregistrée sur le taux de référence français depuis le 8 août. Mercredi, le rendement des bons du Trésor équivalents à 10 ans (titres de la dette de l’Etat français) a baissé de plus de 13 points de base. Il est clairement repassé sous la barre des 3%. Des mouvements d’ampleur similaire ont été enregistrés sur les obligations souveraines allemandes, espagnoles et italiennes.
Cette baisse significative s’explique en grande partie par le soulagement des marchés après la publication des chiffres de l’inflation américaine du mois d’avril. Pour la première fois depuis six mois, la hausse des prix à la consommation ralentit outre-Atlantique. Cela laisse espérer que la Réserve fédérale entamera enfin son cycle de baisse des taux directeurs à l’automne.
Mais pour autant, le rendement des obligations américaines à 10 ans – par nature beaucoup plus sensibles que ses équivalents européens à la politique de la Fed – a baissé d’un peu moins de 10 pb. La raison de cet écart peut être recherchée dans le regain d’activité enregistré sur le marché européen des options sur taux d’intérêt.
Parier sur le déclin
Depuis le début de la semaine, les traders ont augmenté leurs paris sur la baisse des taux de la Banque centrale européenne, selon Bloomberg. Ils tablent sur un très fort assouplissement monétaire de la part de l’institution de Francfort à partir de juin. Ils se sont ainsi exposés à la fois aux produits dérivés liés aux taux monétaires, et aux obligations allemandes à deux ans dont le rendement est étroitement lié au niveau des taux directeurs. Ces stratégies ont ainsi pu amplifier le mouvement d’euphorie.
En utilisant un mécanisme – peu coûteux – de vente et d’achat d’options sur le taux Euribor à des prix différents, certains traders auraient parié que la banque centrale desserrerait l’étau monétaire à chacune de ses réunions entre celle de juin et celle d’octobre, indique Bloomberg. Soit quatre baisses successives d’une ampleur totale de 100 pb. Si tel est le cas, les gains atteindront 14 fois la mise.
D’autres estiment que le taux à deux ans allemand baissera de 60 points de base au cours des cinq prochaines semaines, toujours selon Bloomberg. Pour que cela se produise, il faudrait que la Banque centrale européenne entame effectivement son cycle d’assouplissement le 6 juin et que les investisseurs devraient anticiper deux autres baisses de taux avec suffisamment de confiance.
Un optimisme excessif
Ce n’est pas gagné. Certes, peu de doutes subsistent quant à la direction que prendra la BCE lors de sa réunion de juin. Un consensus s’est établi au sein du Conseil des gouverneurs depuis plusieurs semaines sur une baisse des taux directeurs de 25 pb. Mais pour l’avenir, les banquiers centraux se montrent plus prudents.
Qu’ils soient partisans d’une ligne monétaire dure ou modérés, tous affichent une volonté de pragmatisme. Les réductions de taux seront décidées réunion par réunion, en fonction de l’évolution de l’inflation. Pour les plus optimistes, si la décélération des prix se marque en juillet, alors une nouvelle baisse sera possible. D’autres, défenseurs résolus de l’orthodoxie monétaire, veulent en tout cas imposer une trêve estivale.
Le Belge Pierre Wunsch a déclaré mardi qu' »il ne fallait pas se précipiter » dans un contexte où « une pression persistante sur les salaires entretient une inflation élevée dans les secteurs des services ». Il a donc exhorté ses homologues à ne pas s’engager sur une deuxième baisse des taux immédiatement après celle de juin.