« Ça ne se voit pas mais j’ai la peur de la mort (Sic). Je suis traumatisée… Je ne peux pas rester seule chez moi. » Ce lundi midi, Sandrine, la quarantaine, a préféré rejoindre ses amies sur un banc de la dalle Kennedy dans le quartier de Villejean à Rennes. Impossible de rester seule chez elle.
Dimanche 5 décembre, un peu avant 14 h, la quadragénaire était quasiment au même endroit. « J’étais tranquille assise sur un banc situé entre le coiffeur Roahzon coiffure et le kebab le Terminus… Je tournais le dos au point de deal, quand un homme visage découvert est arrivé par-derrière, il poursuivait des jeunes dealers. Il a ouvert le feu à moins de 3 m de moi. Une quinzaine de coups de feu. J’ai eu tellement peur que j’ai couru me réfugier dans la station de métro pour me mettre à l’abri. Depuis, je suis choquée et terrorisée. » À ses côtés, ses amies : Jeannine, Soazig et Juliette ne décolèrent pas. « On vit dans le quartier depuis 30 ou 40 ans. Ça se dégrade depuis dix ans mais là, on atteint des sommets… Maintenant, ça tire en pleine journée ! Et même le dimanche… Et les tirs vont se loger dans les façades d’immeubles ou carrément dans les canapés, en passant au-dessus du parc pour enfants… Que fait la mairie ? » Un autre témoin de la scène explique : « Le mec avait son arme sur le côté, il visait n’importe comment. Il a crié à celui qu’il poursuivait : « Tu as de la chance que mon chargeur est vide, car je t’aurais… »»
Caméras de surveillance HS
Ce lundi midi, les habitants de Villejean sont nombreux à exprimer leur colère, leur peur et leur « sentiment d’abandon ». Dimanche 5 décembre, un nouvel épisode d’une guerre d’appropriation du point de deal situé entre le 8 et le 10 Bourbonnais a éclaté. Selon nos informations, trois jeunes hommes non cagoulés, visages découverts mais encapuchés, ont ouvert le feu avec une arme automatique. Onze douilles de 9 mm ont été retrouvées sur la dalle et trois projectiles ont atteint l’immeuble du 9 rue du Nivernais, de l’autre côté de la dalle. Deux dans le mur et un troisième dans le canapé d’un appartement du premier étage. Aucun blessé n’est à déplorer. L’enquête sur ce fait s’annonce difficile, la police ne possède pas d’images de caméras de vidéosurveillance car tout le système de la ville était en panne dimanche. Quelques jours avant cet épisode, un policier confiait au Télégramme : « Nous sommes très inquiets car la bande extérieure à Rennes cherche à s’approprier le point de deal. Les Rennais ne vont pas se laisser faire. On s’attend à des répliques. Ils ne vont pas s’arrêter en si bon chemin. »
Plusieurs épisodes de cette même guerre avaient déjà émaillé les jours et les nuits du quartier ces dernières semaines. Spécialisé dans la cocaïne, le point de deal tourne de 10 h à 1 h du matin. Sur les 37 points de deal recensés par les forces de l’ordre à Rennes, il fait partie des plus gros et existe depuis de très nombreuses années. À tel point que l’immeuble du 8 Bourbonnais est en cours de désaffection. Il ne reste que quelques familles. Des portes blindées ont été posées pour éviter les squats. Le bailleur Espacil souhaite réhabiliter entièrement le bâtiment. Comme au 2 Bourbonnais, des logements plus petits seront notamment créés.