Il a « félicité du fond du coeur (…) la nation (pour) sa victoire décisive sur une force d’occupation internationale arrogante ». C’est selon le calendrier afghan (et persan) que se déroulent les célébrations que les talibans veulent spectaculaires le 14 août, dans leur émirat où ils appliquent de manière ultra-rigoureuse la loi islamique et ne tolèrent aucune dissidence. A partir de 08H00 (04H30 GMT), un défilé militaire est prévu dans l’immense base de Bagram, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kaboul, selon le programme communiqué par les autorités.
Le lieu est hautement symbolique : cette base aérienne avait été le centre névralgique des opérations américaines contre les insurgés talibans. Ils l’avaient reprise le jour même de la chute de Kaboul. Les forces de sécurité devraient défiler avec de nombreux équipements militaires récupérés après le départ précipité des forces occidentales, après les discours de hauts responsables comme le Premier ministre et le ministre de la Défense Mohammad Yacoub.
Programmes TV spéciaux
Un rassemblement populaire est ensuite prévu en milieu de matinée dans un lieu non précisé de Kaboul. Des milliers d’Afghans ont été invités dans la capitale, venus d’une demi-douzaine de provinces du centre. Mais c’est tout le pays qui doit célébrer le Jour de la Victoire. Au programme de ces festivités de rue kabouloises que les femmes journalistes – afghanes et étrangères – n’ont pas été autorisées à couvrir : performances sportives et lectures de poésie.
Les avenues, ronds-points et parcs de Kaboul ont été décorés de milliers de drapeaux noir et blanc de l’Emirat islamique. Les forces de sécurité sont mobilisées en nombre, le principal risque semblant être une nouvelle attaque du groupe jihadiste Etat islamique, après celle qui a fait un mort dans un quartier chiite de Kaboul dimanche dernier. L’invisible et mystérieux émir Hibatullah Akhundzada, qui vit dans le bastion taliban de Kandahar (sud) et dicte par décrets la marche du pays, pourrait s’exprimer mercredi.
Depuis plusieurs jours, la télévision multiplie les programmes autour de cet anniversaire : logo spécial et longues interviews de ministres talibans. Sur une bannière de la chaîne RTA, on pouvait lire : « La fierté (des Afghans) vient du sang versé par des milliers de martyrs ». Après trois ans d’administration talibane, l’Afghanistan reste l’un des pays les plus pauvres du monde, avec une croissance anémique, un chômage massif et une grave crise humanitaire.
Le gouvernement taliban n’est toujours reconnu par aucun pays en raison de ses mesures répressives contre les femmes, progressivement exclues du monde du travail et de l’éducation. Mais Kaboul a fait des progrès diplomatiques en nouant des relations avec les pays voisins, la Chine et la Russie, et a ouvert un dialogue avec l’Occident en participant pour la première fois aux négociations de Doha en juin.
« Les pays qui coopèrent avec les talibans devraient leur rappeler les exactions qu’ils commettent contre les femmes et les filles », a déclaré Human Rights Watch dans un communiqué marquant cet anniversaire. « Les donateurs devraient fournir de l’aide à ceux qui en ont le plus besoin et œuvrer à une solution durable à la crise humanitaire en Afghanistan. »
Pauvreté et crise humanitaire
Trois ans après le retour d’un gouvernement taliban, l’Afghanistan connaît une économie à « croissance zéro » et sa population s’enfonce dans la pauvreté avec une crise humanitaire qui s’aggrave, sans espoir d’amélioration à court terme. En 2021, le nouveau gouvernement a hérité d’une administration bien rodée. Les prix ont baissé, la monnaie a résisté, la corruption n’est plus à son apogée et les impôts sont mieux collectés.
Surtout, la sécurité est revenue, créant un climat propice aux affaires. Après 40 ans de guerre, biens et personnes circulent désormais en toute sécurité de Kaboul à Herat (ouest), de Mazar-e-Sharif (nord) à Jalalabad (est). Mais le PIB s’est fortement contracté de 26 % en 2021 et 2022, selon la Banque mondiale pour laquelle « la croissance sera nulle pour les trois prochaines années et le revenu par habitant va chuter sous l’effet de la poussée démographique ».