Les services de renseignements militaires ukrainiens fournissent des détails sur l’opération contre une corvette russe en mer Baltique
Début juin, le porte-parole de la marine ukrainienne affirmait que le « destroyer » russe Amiral Levchenko (classe Oudaloy) avait subi un incendie dans sa salle des machines alors qu’il naviguait dans la mer de Barents. Pourtant, quelques jours plus tard, une photographie montrant le navire en question sans aucun dommage apparent (et sans numéro de coque) a été publiée sur le réseau social VK, avec la légende « sous le soleil de juin ». Et la semaine dernière, le ministère russe de la Défense a affirmé qu’il venait de terminer un « exercice de défense aérienne ».
Que penser ? Évidemment, le fait que la marine ukrainienne puisse évoquer le sort d’un navire de guerre russe naviguant dans une région située à plus de 1 500 km de la mer Noire a de quoi surprendre… Il y a pourtant eu un précédent : le 8 avril, la Direction générale du renseignement militaire ukrainien (GUR) a revendiqué la responsabilité d’un incendie survenu à bord de la corvette Serpoukhov (classe Buyan-M), normalement affectée à la base navale de Baltiisk, à Kaliningrad.
A l’époque, pour appuyer ses dires, le GUR avait publié une vidéo montrant les plans de la corvette ainsi qu’un engin incendiaire placé dans l’un de ses compartiments. Et d’expliquer que l’incendie avait ravagé « ses moyens de communication ». L’état-major russe s’était toutefois abstenu de faire le moindre commentaire.
Trois mois plus tard, alors que la situation sur la ligne de front se complique pour les forces ukrainiennes, notamment au niveau de la localité de Chasiv Yar, dont le contrôle permettrait aux forces russes de pousser vers les villes de Kramatorsk et Sloviansk ainsi que vers le secteur de Dnipropetrovsk, le GUR revient sur le feu de la corvette Serpukhov en apportant de nouvelles précisions.
Ainsi, le navire russe a fait l’objet de l’opération spéciale « Rybalka » (« Pêcheur »), qui n’est pas sans rappeler celle baptisée « Synytsia » (« Mésange »), qui a permis au GUR de mettre la main sur un hélicoptère russe Mil Mi-8 chargé de pièces détachées pour avions de combat en août 2023. Pour rappel, ce coup d’État n’a pu réussir que grâce à la défection du pilote de l’appareil.
En effet, lors d’une conférence de presse tenue le 3 juillet, le porte-parole du GUR Andriy Yusov a expliqué que, prévue pour 2023, l’opération « Rybalka » avait été menée par un marin de l’équipage de la corvette qui avait décidé de faire défection.
Surnommé « Goga », il avait auparavant contacté les services secrets militaires ukrainiens et accepté de « neutraliser » le navire sur lequel il servait. D’où les images de l’engin incendiaire produites par Kiev. Mieux, il aurait également fourni « des informations secrètes sur la flotte de la Baltique et l’industrie militaire russe ». Ce qui semble suggérer qu’il n’était pas qu’un simple marin… Selon ses déclarations, il comptait 11 ans de service au moment des faits.
« C’était notre première opération contre la flotte de la Baltique. Pour l’ennemi, c’était un choc et une grande surprise. Après cette opération, il y a eu des enquêtes, des sanctions et des remaniements. Il est clair que des têtes sont tombées », a déclaré le porte-parole du GUR, sans donner plus de détails.
Quant au marin russe qui a saboté la corvette, il a réussi à s’échapper et à rejoindre la légion « Liberté de Russie ». Présent à la conférence de presse, il a déclaré avoir « tenté de démissionner » après le début de la guerre en Ukraine.
« J’ai dit que je ne pouvais plus servir dans l’armée. Le commandant a été choqué en lisant cela. Il m’a immédiatement imposé un examen psychologique. Il pensait que je n’étais pas normal de m’opposer aux autorités. Un psychiatre a remis un rapport au commandement et à toutes les autorités pour décider de ce qu’il fallait faire de moi », a expliqué « Goga ».
« Le procureur a ouvert une procédure administrative contre moi. Le procureur a lu le rapport et a dit que je ne pouvais pas démissionner, que ce serait le premier et le dernier avertissement. Et il m’a laissé partir. Aucune sanction n’a été prise contre moi. Et j’ai continué à servir sur mon navire », a-t-il poursuivi… Et avec la suite que l’on connaît.
Mais il aurait sans doute mieux fait de rester dans l’ombre… car nul doute que les services russes tenteront de le retrouver pour lui faire subir le même sort que celui du capitaine Maxim Kouzminov, le transfuge de l’opération « Synytsia ». Réfugié en Espagne sous une nouvelle identité, il a été assassiné en février dernier, près d’Alicante.