Fondateur du Centre d’études sur la société post-industrielle, un centre de recherche moscovite, Vladislav Inozemtsev est un économiste critique du régime de Vladimir Poutine. Il a été classé parmi les « agents étrangers » par la justice russe en mai 2023 et s’est exilé à Washington, où il a participé à la création d’un think tank d’opposition, le Centre d’analyse et de stratégies en Europe, basé à Chypre.
L’économie russe est-elle en bonne santé deux ans et demi après le début des sanctions occidentales ?
Oui. On s’attend à ce qu’ils augmentent de 3,5 à 4 % en 2024. En fait, les Russes gagnent plus d’argent : les salaires réels ont augmenté d’environ 10 % au premier semestre de cette année. L’inflation est bien sûr supérieure aux objectifs officiels, ce qui affecte le pouvoir d’achat des consommateurs. Mais en 2023 et 2024, les revenus augmentent à un rythme beaucoup plus rapide, de sorte que les Russes se rendent compte que le bien-être augmente et non qu’il diminue.
L’économie est certes alimentée par des dépenses publiques élevées, mais il semble que celles-ci génèrent bel et bien de la croissance. Le budget est alimenté par des recettes supplémentaires provenant non seulement des recettes d’exportation mais aussi de l’activité économique intérieure. De janvier à août, ces recettes ont augmenté de 27,3 % par rapport à 2023. Le budget fédéral est donc en bonne forme, avec un déficit limité à 0,2 % du produit intérieur brut (PIB) sur les huit premiers mois de l’année. Le ministère des Finances devrait même pouvoir augmenter les dépenses budgétaires pour le reste de l’année.
L’économie russe va ralentir au second semestre, mais elle ne plongera pas pour autant dans la récession. En 2025, la croissance du PIB devrait être de 2,5 %, voire légèrement inférieure. Cela ne constitue toutefois pas un problème pour la stabilité économique et politique du pays.
Les sanctions occidentales n’ont donc eu aucun effet sur l’économie russe ?
Oui. Elles ont un effet, cela ne fait aucun doute. Ces sanctions touchent certains secteurs : le complexe militaro-industriel, l’industrie automobile, l’acier, la production de gaz naturel, le transport aérien civil, etc. Ce qui ne semble pas du tout affecté, c’est le secteur des services, la plupart des activités bancaires, la construction résidentielle, l’agriculture et tout ce qui touche aux biens de première nécessité, au commerce de gros ou de détail.
Les sanctions ne sont donc pas trop dommageables pour l’économie russe pour le moment. De plus, elles ne changent pas grand-chose au comportement des Russes « ordinaires », puisque leur mode de vie, qui n’est pas beaucoup affecté, dépend principalement des biens et services produits localement. Quant aux couches supérieures de la classe moyenne, qui sont les plus grandes consommatrices de produits occidentaux, elles ont quitté le pays ou se sont habituées aux nouvelles réalités.
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