En l’absence de Moscou, le dernier sommet de paix en Suisse s’est achevé sans perspective crédible de résolution du conflit en Ukraine. Pouvons-nous négocier seuls ?
Bien sûr que non. Il s’agissait plutôt d’une réunion pour se rassurer mutuellement. Une sorte de réunion de « mi-mandat » où seuls les partisans de l’Ukraine étaient présents. Ce sommet précédait celui de l’OTAN. Toutes ces conférences se succèdent à l’approche des élections américaines, qui seront cruciales.
Volodymyr Zelensky a longtemps imposé le retrait de toutes les forces russes de son territoire comme condition préalable à toute négociation. Mais le président ukrainien se dit désormais favorable à une participation russe au prochain sommet de paix. Est-ce le début d’un changement de ligne ?
Zelensky répète en grande partie ce que disent les Américains. Il est obligé de suivre. D’un autre côté, négocier ne signifie pas capitulation. Au contraire, cela permettra de mettre le problème à plat.
Lequel ?
Comment faire accepter à Zelensky que le Donbass et la Crimée ne reviendront pas à l’Ukraine, tout en offrant des garanties territoriales à Kiev. Les Russes peuvent encore faire la guerre pendant dix ans. Ils sont en position de force. Pour Poutine, il est absolument hors de question que l’Ukraine rejoigne l’Otan, sinon il ne sera plus maître de son glacis. Moscou pourrait éventuellement laisser Kiev rejoindre l’Union européenne, ce qui lui permettrait de toucher des milliards pour reconstruire le pays.
La Russie est-elle réellement en position de force, sachant que l’érosion du Donbass est lente mais continue, sans que Moscou parvienne à percer le front, et considérant la livraison imminente d’avions de combat à l’Ukraine ?
Sur le papier, la livraison d’une centaine de F16 devrait changer l’équilibre des forces. Mais les questions sont nombreuses. Il ne faut pas se contenter d’une lecture purement arithmétique. La défense sol-air russe est efficace.
La Russie s’est déjà déclarée favorable à des négociations « réalistes ». Est-ce une façon de dire qu’elle ne restituera pas les territoires conquis ?
C’est impensable. Il y a un précédent que Poutine a constamment à l’esprit : le Kosovo. Lorsque la communauté internationale a reconnu son indépendance, la Serbie et la Russie ne s’en sont pas remises. Quelques mois plus tard, la Russie a envahi la Géorgie, permettant l’indépendance de deux régions frontalières. Sur le Donbass et la Crimée, la logique est la même.
Si la paix est signée, peut-on imaginer une désescalade durable ?
Poutine a une stratégie euro-asiatique. Il se positionne face à un ennemi occidental, l’OTAN. Son objectif est de recréer les conditions de la guerre froide, via une relation de bloc à bloc, et ainsi passer d’un monde unipolaire à un monde multipolaire. La meilleure preuve de cette stratégie est le déploiement de missiles de portée intermédiaire, comme en 1977. Cependant, le monde n’a jamais été aussi stable que pendant la guerre froide, en raison de la dissuasion, et des rapports de force qui s’équilibraient.