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Les Russes abattent leur propre « aile volante » furtive, l’Okhotnik-B, au-dessus de l’Ukraine

Ce drone de combat lourd, qui n’est pas encore officiellement entré en service dans l’armée de l’air russe, a été abattu par un chasseur au-dessus des lignes ukrainiennes.

Le chasseur russe vole juste derrière sa cible, en suivant strictement la même trajectoire que celle-ci. Il tire un missile à guidage infrarouge puis s’éloigne immédiatement pour éviter d’éventuels débris. Attirée par la chaleur du réacteur, la munition rattrape l’avion ciblé en quelques secondes. Il explose en plusieurs morceaux, tandis que la munition continue son voyage… Ce n’est pas un « bataille de chiens » dans le ciel ukrainien, où les combats de supériorité aérienne sont particulièrement rares. Dans cette guerre saturée de défenses aériennes de chaque côté, l’aviation est principalement utilisée pour le bombardement à distance de cibles terrestres. Et pourtant, cette scène surprenante, immortalisée en vidéo et devenue virale sur les réseaux sociaux samedi, montre un chasseur russe accompagnant puis abattant un drone de combat lourd et furtif S-70 Okhotnik-B, lui-même… russe.

Il ne s’agissait cependant pas de « tir ami » accidentel, comme cela s’est déjà produit depuis le début de la guerre en Ukraine (tant du côté ukrainien que russe) : le chasseur russe a bien décidé d’abattre le drone russe près de la ville de Konstantinovka, dans une zone du Donbass tenue par les forces ukrainiennes. Les images laissent en effet peu de doute sur le caractère intentionnel du tournage. « L’interception a eu lieu à environ 25 000 pieds (plus de 7 500 mètres, NDLR) »précise à Figaro un ancien officier de haut rang de l’Armée de l’Air et de l’Espace, détaillant les traces des deux avions. Les images des débris permettent de confirmer l’identification de l’avion abattu, mais l’identification du chasseur qui a tiré n’est pas connue avec certitude.

Un « ailier loyal » pas si loyal

Tout indique que les Russes ont perdu le contact avec le drone Okhotnik-B et ont voulu éviter qu’il ne tombe entre les mains de l’adversaire. Et pour cause : il ne s’agit pas de n’importe quel drone, mais d’un impressionnant « aile volante » sans pilote et furtif (ou du moins présenté comme tel) qui a effectué son premier vol en 2019 et est censé entrer en service cette année au sein de la VKS (l’armée de l’air russe, NDLR). Particulièrement massifs, ces avions pesant 20 tonnes à vide et d’une envergure de 19 mètres sont conçus pour des missions d’attaque au sol, de bombardements en profondeur mais aussi d’interception aérienne à longue portée, selon plusieurs déclarations russes faites ces dernières années alors que le drone de combat était testé.

Surtout, l’Okhotnik-B a été conçu pour fonctionner en tandem avec le nouveau chasseur de cinquième génération de Sukhoi, le Su-57, qui doit servir de« avion mère » capable de coordonner un essaim entier de drones S-70. C’est la notion de «Ailier loyal» développé dès le début des années 2000 : il décrit des drones qui, aidés par l’intelligence artificielle, sont capables de collaborer avec un avion piloté par un humain afin de lui servir de pilote.des « ailiers fidèles ». Les Chinois expérimentent ainsi le drone GJ-11, « ailier fidèle » du tout récent chasseur J-20. Aux Etats-Unis, le drone Kratos XQ-58A Valkyrie, encore expérimental, est conçu pour interagir « loyalement » avec les chasseurs F-22 ou F-35.

Au-dessus du ciel ukrainien, cependant, ce lien de loyauté a été rompu… Très probablement à cause d’une perte de contrôle entre le chasseur et le drone, le premier n’a eu d’autre choix que de sacrifier le second. Des rumeurs folles sur la possibilité d’un « piratage » par les Ukrainiens du système de liaison de données entre les deux avions russes a commencé à intriguer les observateurs du conflit sur les réseaux sociaux, mais rien ne permet à ce stade d’envisager cette hypothèse. Les Ukrainiens, en tout cas, n’ont pas réagi pour s’attribuer le mérite de cet incident encore mystérieux.

Une question essentielle demeure : que faisaient les S-70 sur l’Ukraine ? À Figarol’ancien pilote de chasse français évoque deux possibilités, sans pouvoir trancher : « Soit il volait en Russie dans le cadre d’un exercice et s’est perdu au loin ; soit il opérait dans le cadre d’opérations militaires en Ukraine ». Les premiers Su-57 en service au VKS, dont les drones S-70 ne devraient guère être loin, sont notamment déployés dans la base de Lipetsk à 350 kilomètres de la frontière ukrainienne, une distance relativement courte pour un avion capable de voler de près. gamme. 1000 km/h comme l’Okhotnik-B.

Tester en conditions opérationnelles ?

La seconde hypothèse, celle d’un engagement intentionnel du S-70 en Ukraine, peut paraître surprenante dans la mesure où le dispositif n’est pas encore opérationnel, mais on ne peut l’exclure. Dès janvier 2023, les renseignements britanniques affirmaient que la Russie déployait le chasseur Su-57 dans le cadre de son « opération militaire spéciale », certes officiellement entrée en service, mais qui est loin d’être mature en termes de technologie. . Les Russes pourraient donc souhaiter tester le couple Su-57 et S-70 en conditions opérationnelles, en tandem. Après tout, le Su-57 avait bel et bien été « testé » en 2018 en Syrie alors qu’il en était encore au stade des essais en vol.

Dans cette hypothèse, les Russes n’hésiteraient donc pas à approcher certains de leurs moyens aériens les plus précieux à proximité de la ligne de contact, sans craindre outre mesure la défense aérienne ukrainienne, du moins dans le cadre de vols à haute altitude comme celui-ci. Ce fut le cas lors de l’interception de l’Okhotnik-B. Même si sa production en série n’a pas encore été lancée, il ne reste désormais que trois prototypes en Russie. Quant aux débris de la quatrième chute du côté ukrainien de la ligne de front, ils raviront sans aucun doute Kiev et ses alliés.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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