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Les raisons de la requalification des faits en crimes contre l’humanité… – Africa Guinee

CONAKRY-Avant de prononcer les peines pour chaque accusé maintenu sous caution à l’issue du procès du massacre du 28 septembre 2009, le juge Ibrahima Sory 2 Tounkara a requalifié les faits en crimes contre l’humanité. La cour criminelle a rejeté tous les arguments invoqués par la défense, les jugeant infondés.

Cette requalification des faits a complètement rebattu les cartes. Car elle a permis à la Cour de se fonder, en vertu du Statut de Rome, sur le principe de la responsabilité du supérieur hiérarchique. Ce texte ratifié par la Guinée permet à une Cour de considérer un supérieur hiérarchique comme responsable des crimes commis par des hommes placés sous son autorité.

C’est à ce titre que Moussa Dadis Camara, le colonel Thiegboro Camara, Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba ont été condamnés, respectivement à 20 ans de réclusion pour les deux premiers et 10 ans pour le troisième. Cette requalification a suscité l’ire des avocats des condamnés, certains accusant le Juge d’avoir mêlé la loi. Il convient donc de se demander : Pourquoi la cour criminelle a-t-elle requalifié les faits en crimes contre l’humanité ? Quels arguments a-t-elle invoqués ? Explications.

Dans ses délibérations, le juge a expliqué que la juridiction pénale étant saisie de faits concernant des personnes physiques, les qualifications retenues par l’ordonnance de renvoi n’ont qu’une valeur indicative et ne sauraient être imposées à la juridiction de jugement. Il a ajouté qu’il convient de distinguer les juridictions d’instruction composées :les chambres d’instruction du premier degré, les chambres de contrôle des enquêtes du deuxième degré et la chambre pénale de la Cour suprême– les tribunaux de première instance, notamment le tribunal correctionnel.

Les raisons de la requalification des faits en crimes contre l’humanité… – Africa Guinee
Moussa Dadis Camara, l’un des condamnés

 » En raison de la différence des règles régissant les juridictions d’instruction et celles régissant les juridictions de jugement, une décision des premières ne peut être imposée aux secondes quant à la qualification des faits de la saisine. Il s’ensuit que l’autorité de la chose jugée entachant une ordonnance du juge d’instruction ayant fait l’objet d’un contrôle à tous les degrés de juridiction ne saurait empêcher la juridiction pénale, juge du fond, de donner la qualification la plus exacte aux faits qui lui sont soumis. Cet argument (invoqué par la défense) doit donc être rejeté comme non fondé. « , a soutenu le magistrat Ibrahima Sory 2 Tounkara.

Sur l’argument fondé sur le principe de légalité

Selon le juge, la nouvelle qualification demandée par les parties civiles et le ministère public trouve sa base légale dans le Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, les infractions relevant de sa compétence et les procédures de poursuite, d’enquête et de jugement de celles-ci.

 » Le Statut de Rome a été ratifié par la loi L/25/AN du 20 décembre 2022, promulguée la même année et publiée au Journal Officiel de la République. Sa non-insertion dans un code qui n’est d’ailleurs qu’un bloc législatif homogène ne saurait être considérée comme un obstacle à son application. Par ailleurs, l’ensemble du système pénal guinéen n’a jamais été retrouvé dans un seul code. Conformément à l’article 1euh du code civil, les lois sont exécutoires dès leur promulgation et leur publication au journal officiel.

Conformément à l’article 79 de la Loi fondamentale du 23 décembre 1990, les traités dûment ratifiés ont une autorité supérieure à celle des LOIS. La ratification et la publication du Statut de Rome en font une Loi dont l’application ne nécessite plus l’internalisation dans un code qui reste une formalité d’homogénéisation des textes répressifs facilitant leur application. Le Statut de Rome a été ratifié en 2002 et publié en 2003, donc avant 2009. Il convient de préciser qu’il est applicable aux faits de l’espèce. De ce qui précède, l’argument tiré du principe de légalité sera rejeté comme non fondé. « , a expliqué le président du tribunal correctionnel.

De l’argument fondé sur la non-rétroactivité de la loi pénale

L’article 80 du Statut de Rome dispose que Aucune disposition du présent chapitre ne porte atteinte à l’application par les États des peines prévues par leur droit interne, ni à l’application de la législation des États qui ne prévoient pas la peine prévue au présent chapitre.a précisé le magistrat. En effet, a-t-il précisé, l’inapplicabilité du code pénal de 2016 aux crimes commis au stade du 28 septembre est un autre argument invoqué par la Défense, au motif qu’il ne devrait pas être rétroactif aux faits antérieurs à son adoption. Or, souligne le juge Tounkara, il a été suffisamment démontré ci-dessus qu’en 2009, il existait dans le Statut de Rome des dispositions applicables aux faits, objet de la saisine de la Cour. Mieux, leur défaut d’internalisation avant le code de 2016 n’affecte en rien l’application dudit code, car l’une des limites à ce principe réside dans l’application de la Loi pénale. Cet argument doit donc être rejeté comme non fondé. « , a encore statué le magistrat.

En requalification

Le président du tribunal correctionnel qui a condamné Dadis Camara définit la requalification comme le processus par lequel le juge statue sur un fait qui lui est soumis… pour déterminer l’infraction et son régime juridique. Selon lui, ce processus trouve sa base légale dans l’article 441 du code de procédure pénale qui dispose : « Si le tribunal considère que les faits constituent un crime, il prononce la peine « Cette disposition, soutient-il, entraîne l’obligation pour le juge du fond de donner un nom légal aux faits qui lui sont soumis avant de prendre des sanctions contre l’agent criminel. L’article 544 du même code semble également autoriser le juge à acquitter seulement s’il estime que l’acte poursuivi ne constitue aucune violation de la loi pénale, soutient Me Tounkara.

 » La demande de requalification formulée sous forme de réquisition du ministère public a été formulée autour de discussions. Elle a été notifiée aux accusés qui, par l’intermédiaire de leurs conseils, ont formulé des observations détaillées et formulé des demandes d’irrecevabilité de cette réquisition. Les faits contenus dans l’ordonnance de renvoi sont ceux sur lesquels toutes les parties, notamment l’accusé, ont fait des déclarations et qui servent de référence à la qualification demandée. Un fait étant susceptible de plusieurs qualifications, une nouvelle qualification de ce fait ne peut donner lieu à un nouvel interrogatoire. Les discussions suscitées par la demande du ministère public ont permis de respecter les droits de la Défense « , a-t-il martelé, ajoutant en outre que les crimes contre l’humanité et la responsabilité des chefs militaires relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale instituée par le Statut de Rome.

Selon le magistrat, cette compétence de la Cour pénale internationale est subsidiaire à la compétence nationale, en vertu de laquelle la saisine de la Cour reste soumise à l’inertie des autorités du pays où les faits ont été commis pour juger leurs auteurs.

 » Cette compétence ne saurait donc être contestée devant la juridiction de ce siège concernant les actes criminels survenus le 28 septembre 2009 au stade éponyme dont elle est saisie. Il est établi que le 28 septembre 2009, des agents des forces de défense et de sécurité ainsi que des miliciens se sont rendus au stade où ils ont tué, violé, torturé et blessé une population civile rassemblée pour une manifestation en présence constante d’autres agents, dont des policiers et des gendarmes, sans qu’il y ait eu aucune arrestation des auteurs de ces actes. Dans le cas présent, il s’agit d’une saisine pour crimes de masse, mettant face à face plusieurs auteurs et plusieurs victimes d’actes criminels.

Ces assaillants ont continué à tuer, violer et torturer cette population civile dans les jours qui ont suivi dans divers lieux et camps militaires de Conakry de manière ostensible et en toute impunité. Hormis une action concertée, générale et systématique bénéficiant de l’approbation de toutes les autorités, de tels actes ne peuvent être commis sans qu’aucune arrestation ne soit effectuée. De ce qui précède, les faits de la saisine correspondent au mieux aux infractions de crimes contre l’humanité et de responsabilité du supérieur hiérarchique prévues et réprimées par le Statut de Rome. Il convient donc de rétablir les faits dans leurs véritables qualifications en les requalifiant désormais en crimes contre l’humanité et en crimes de guerre. crimes contre l’humanité », il a dit.

Il convient de noter que les avocats des condamnés, de tous bords, ont déjà contesté la décision du tribunal correctionnel. Ils ont annoncé leur intention de faire appel devant la Cour d’appel de Conakry.

À suivre !

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Créé le 2 août 2024 à 19h45

Eleon Lass

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