Les produits phytopharmaceutiques responsables du déclin des populations d’insectes
Depuis une trentaine d’années, les insectes disparaissent dans l’indifférence générale. Trop souvent perçues comme indésirables, ces petites créatures ne suscitent pas le même intérêt que les mammifères et font rarement l’objet d’actions de conservation. Ainsi, dans les régions dominées par les activités humaines, diverses études scientifiques estiment qu’au moins 70 à 80 % des insectes ont disparu au cours des dernières décennies.
Nouvel ouvrage, publié jeudi 24 octobre dans la revue Sciencesuggèrent que l’effet des produits agrochimiques sur ce déclin pourrait être plus important que prévu. Cette étude réalisée par des chercheurs du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) a démontré que certains pesticides, initialement perçus comme inoffensifs, pouvaient en réalité perturber le développement des insectes.
Pour parvenir à ces conclusions, ils ont testé 1 024 produits agrochimiques sur les mouches drosophiles et leurs larves. Ils ont suivi leur développement, leur comportement et leur capacité de survie à long terme tout au long de leur cycle de vie. « Nous avons découvert que pour plus de la moitié des produits (57% exactement)L’exposition des larves, même à des doses écologiquement pertinentes, c’est-à-dire très faibles, a provoqué des modifications dans les processus physiologiques des insectes et a eu des effets sublétaux.explique Lautaro Gandara, premier auteur de l’étude.
« Facteurs aggravants »
Les effets sublétaux sont tout effet indésirable qui n’entraîne pas la mort, comme des modifications du taux de ponte ou de la mobilité. Les chercheurs de l’EMBL ont ainsi démontré que certains pesticides (famille de produits qui comprend, outre les insecticides, les fongicides, les herbicides ou les parasiticides) pouvaient avoir des conséquences sur les déplacements des insectes, réduisant ainsi leur capacité de prédation.
Compte tenu de ces aspects sublétaux, certains produits initialement perçus comme inoffensifs se sont révélés dangereux pour les insectes. « Dodine, un fongicide à base de guanidine, en est un exemple, avance Justin Crocker, co-auteur de l’étude. Il ne pose pas directement de problème aux insectes adultes, mais nous avons démontré qu’il modifie significativement le comportement des larves. »
« Cette étude se démarque par son ampleur, note Colette Bertrand, chercheuse à l’Institut national de la recherche agronomique, qui n’a pas participé aux travaux. A la fois sur le nombre impressionnant de molécules testées, mais aussi sur la prise en compte de facteurs aggravants comme les mélanges entre molécules. Cela donne beaucoup de solidité à ce travail. » Cette étude inédite pourrait modifier l’estimation de la toxicité de certains pesticides. « Les approches classiques testent principalement la létalité, poursuit le chercheur. Mais depuis quelques années, on prend conscience de la nécessité de prendre en compte les effets sublétaux qui déterminent la capacité de survie des insectes. »
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