Categories: Nouvelles locales

Les prix ne reviendront jamais à leurs niveaux antérieurs (Nabil Adel)


hausse des prix Ce qui se passe au Maroc est-ce un problème de croissance économique ou de méthode politique ? Nabil Adelenseignant-chercheur et directeur du groupe de recherche en géopolitique et géoéconomie à l’ESCAinvité de la dernière édition de l’émission « Informations à l’avant » de Groupe du matin« Les théories selon lesquelles la libération de l’inflation conduit à la croissance économique étaient valables dans les années 1950, 1960 et 1970. Elles ne sont plus valables aujourd’hui. Le monde est tellement plus complexe », explique-t-il.

Si l’inflation est certes tombée à des niveaux plus bas que durant la Covid-19, il n’en demeure pas moins que les prix des produits et biens de consommation, notamment alimentaires, continuent de flamber. Sur ce point, Nabil Adel veut apporter une précision majeure : « Nous n’avons pas enrayé l’inflation. » Il donne l’exemple d’un produit dont le prix passe de 10 à 12 DH, puis à 14 DH et atteint enfin 14,5 DH. Dans cet exemple, l’indice des prix à la consommation pour cette dernière hausse de prix n’est que de 3,57%, alors qu’en réalité, le prix a augmenté de 45% sur toute la période. Que faut-il en déduire ? « Les prix ne reviendront jamais à leurs niveaux de 2019 et 2020. » Pour preuve, souligne notre économiste, après lainflation des années 1980 et 1990, autour de 12%, les prix ne sont jamais revenus à leurs niveaux antérieurs. En revanche, on a assisté à une croissance des revenus qui a permis d’absorber le choc inflationniste. « De la viande à 80 DH le kilo, on ne va pas revoir ça de sitôt », insiste l’invité de l’émission.

Augmenter la productivité pour absorber le choc inflationniste

Désormais, il existe des outils qui permettraient, cette fois encore, d’amortir le choc, notamment de croissance. Ainsi, il est possible de faire en sorte que les revenus augmentent idéalement plus vite que l’indice des prix, pour rattraper/dépasser les effets de l’inflation. « C’est la première action par laquelle il faut commencer », recommande Nabil Adel.

Mais la croissance économique « ne dépasse plus le corridor des 3 % », pointe-t-il. Il est donc urgent, pour notre économiste, d’accroître la production nationale. Et pour cela, plusieurs mesures doivent être entreprises comme réduire le poids de l’État dans la production nationale, ou encore augmenter le nombre d’entreprises exportatrices pour compenser le cycle de baisse de la consommation intérieure en exportant et vice-versa. Au fond, souligne notre invité, « il faut des mesures politiques courageuses pour accélérer la croissance ». Car agir directement sur les prix, en les gelant comme le réclament certains, briserait la machine économique/productive, insiste le directeur du Groupe de recherche Géopolitique & Géoéconomie à l’ESCA. « Si pour produire un bien dont le prix de vente est fixe, il faut des intrants dont les prix sont devenus plus chers, on casse la machine de production. C’est une mesure dangereuse », prévient notre invité.

En revanche, d’autres mesures auraient pu être prises par ce gouvernement qui, selon notre expert, « recule à la moindre protestation ». Et d’ajouter, « un pays de 38 millions d’habitants, à seulement 15 km du marché le plus riche de l’histoire, avec des accords de libre-échange donnant accès à un marché de 2 milliards de consommateurs et qui n’arrive pas à réaliser une croissance régulière de 3 à 4 %, c’est une honte ! Il y a un problème ! »

Augmenter la productivité pour payer les prestations sociales

Parmi les raisons de la faible productivité nationale, il y a l’effondrement démographique, explique Nabil Adel : « Nous avons compliqué le mariage, facilité le divorce et encouragé les ménages à avoir moins d’enfants. » Et d’ajouter : « Le Maroc est aujourd’hui le dernier pays du Maghreb, en dehors de la Mauritanie, et fait partie des pays ayant le taux de productivité le plus bas au monde. »

En résumé, pour notre invité, il serait plus utile que le gouvernement se concentre sur l’augmentation de la productivité du pays que sur la redistribution (aides sociales, etc. ndlr). Or, dès le départ, « le discours électoral du RNI était plus à gauche que celui de l’USFP et d’autres partis de gauche », rappelle Nabil Adel. Et il ajoute : « Nous ne sommes pas contre l’État-providence. Nous voulons que nos concitoyens vivent décemment. C’est dans notre religion, notre civilisation. C’est notre ADN ! » Mais attention, prévient-il, « quand on n’a pas les moyens, notamment la croissance nécessaire à cette redistribution, la base des bénéficiaires de cette redistribution va continuer à augmenter et celle censée financer cette redistribution va continuer à diminuer pour ne plus avoir les moyens de supporter ce fardeau. »

Mais si Nabil Adel estime que des réformes courageuses sont urgentes et obligatoires pour relancer la croissance, il souligne néanmoins qu’il est trop tard pour le gouvernement actuel pour le faire. Il appartient au prochain de prendre des décisions responsables et audacieuses pour obtenir une croissance durable dans la durée. En attendant, « la productivité reste faible, la base ouvrière augmente très peu et les programmes actuels, comme Awrach, n’ont que des effets éphémères. Et ce n’est qu’en augmentant la productivité que nous pourrons absorber les effets de cette hausse des prix », estime notre invité.

Augmenter la productivité plutôt que baisser le taux directeur

La politique monétaire du pays a-t-elle aussi un impact sur sa croissance économique ? Pour notre invité, il n’y a pas de corrélation entre politique monétaire et croissance économique au Maroc, même si c’est l’argument de ceux qui veulent voir le « coût de l’argent baisser ». « Nous n’avons pas un problème de demande, mais d’offre », affirme Nabil Adel. Et d’ajouter, « dire que nous allons baisser le taux directeur pour relancer l’investissement et la consommation, c’est comme accorder des aides sociales directes. Car une partie de cette consommation est satisfaite par la production locale et l’autre, plus importante, par les importations. Encore une fois, nous avons un problème d’offre ». Ainsi, a-t-il rappelé, « ce taux n’a cessé de baisser depuis 2013, passant de 7 % à 1,25 % », sans pour autant avoir pour effet une explosion de la croissance économique. « C’est fou d’espérer un résultat différent, alors que l’on continue à faire la même chose », prévient-il.

lematin

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

Recent Posts

Le scénario de sortie du FDP – POLITICO

Nous voyons plus loin que Christian Lindners « Herbst der Entscheidungen » auch die Entscheidung der Liberalen bringen könnte, aus…

4 minutes ago

Le gouvernement Barnier connaît ses premières dissonances

Rencontre entre le chef du gouvernement, Michel Barnier, et les ministres, à Matignon, le 23 septembre 2024. CYRIL BITTON /…

6 minutes ago

Des centaines de géoglyphes inconnus réapparaissent dans le désert

Une équipe de chercheurs japonais a découvert 303 géoglyphes grâce à l'intelligence artificielle, fournissant de nouveaux indices sur la fonction…

7 minutes ago

Guerre en Ukraine : Vuhledar, l’un des bastions ukrainiens les plus puissants, sur le point de tomber aux mains des Russes

Vuhledar, ville du Donbass qui comptait 15 000 habitants avant le début de la guerre, est le théâtre d'une solide…

8 minutes ago

SM Caen. Nicolas Seube : « J’ai beaucoup aimé regarder le football que nous avons joué ce soir » – Ouest-France

SM Caen. Nicolas Seube : « J'ai vraiment apprécié de voir le football que nous avons joué ce soir »Ouest…

9 minutes ago

Ici tout commence du mardi 24 septembre 2024 – Épisode 1009 – Ici tout commence

Cléo tente un coup de bluff. Une fois de plus, Laetitia a les yeux plus gros que le ventre !…

10 minutes ago