Les ponts de Mai confirment ce que Jean Viard appelle « le triomphe de la société des loisirs »
Le Covid a complètement changé notre rapport au temps libre. Il faut donc revaloriser le travail et réorganiser la société. Les ponts de Mai en sont la parfaite illustration.
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On est encore loin de la fin du mois, mais déjà les professionnels du tourisme annoncent un mois de mai historique. Est-ce juste une question de calendrier – les 8 et 9 mai étaient liés comme jours fériés, formant un grand pont ? Ou est-ce le signe que les Français, après le covid, sacralisent les vacances. Le sentiment du sociologue Jean Viard.
franceinfo : le temps libre devient-il désormais une priorité dans nos vies ?
Jean Viard : Premièrement, nous avons traversé une crise difficile et nous vivons toujours avec l’inflation. Les 40 % de Français qui ne partent pas en vacances sont plus pauvres qu’avant. Ceux qui partent n’ont pas autant souffert. Ensuite, on a effectivement eu une séquence de bridge assez longue et je rappelle que l’étalement sans fin des vacances de printemps désorganise l’ensemble de la société. Et puis il y a un effet covid, la pandémie aura marqué une date et abouti au triomphe de la société du loisir : on était enfermés chez nous, on s’est rendu compte qu’on pouvait vivre autrement et, c’est indiscutable, il y a plus de gens qui prennent profiter des ponts de mai.
Dès lors, comment requalifier la densité du travail ?
Comme nous sommes dans une société de loisirs, de temps libre, de vacances ou de retraite, le travail doit en effet être revalorisé : lieu de production, d’innovation, de richesse, d’amitié, parfois de vie. l’amour (près de la moitié des personnes ont déjà eu une relation amoureuse au travail). Il faut réaffirmer que le travail n’est pas qu’une contrainte. Il faut la densifier, l’intégrer à la révolution numérique, l’absorber dans la semaine de quatre jours et, au fond, repenser le temps de la société. Depuis le Moyen Âge, ce qui rendait libre, c’était d’aller en ville, aujourd’hui, ce qui rendait libre, c’était d’en sortir : nous sommes devenus des citadins qui aspirent à la nature.
Les records d’embouteillages de cette semaine sont très frappants. Le pont de Mai est-il une question de proximité ?
Oui. Conduire 200 ou 300 kilomètres prend une demi-journée, ce qui est raisonnable. L’avion reste un moyen de transport pour quitter la France, et la SNCF manque de trains (ceux qui circulent sont bondés). On part aussi en voiture car il y a les ballons, le chien, les enfants, les sacs supplémentaires, etc. C’est extrêmement pratique de mettre la famille dans une voiture et je pense que ça va rester ainsi. L’autre défi désormais est de trouver des lieux de vacances où vous n’avez pas besoin d’utiliser votre véhicule. Autrement dit, on ne gagne plus l’impact écologique sur le trajet mais pendant le séjour.