Les personnes qui entendent une voix intérieure ont de meilleures performances
Il est parfois conseillé d’écouter la petite voix dans sa tête, mais encore faut-il en avoir une. Une nouvelle étude, relayée par Scientific American, le prouve : alors que certains individus entendent un bavardage constant, d’autres évoluent dans une quasi-absence de conversation avec eux-mêmes. Chaque être humain a une expérience très différente de sa voix intérieure, qui dépend entre autres de son degré de présence.
L’étude a été menée par les chercheurs en sciences cognitives Johanne Nedergaard et Gary Lupyan, respectivement de l’université de Copenhague et de l’université du Wisconsin-Madison. Leurs travaux constituent une avancée majeure dans ce domaine de recherche. Ils ont d’ailleurs donné un nom à l’absence de voix intérieure, qui n’en avait pas jusqu’alors : on peut désormais parler d’anendophasie (« an- » pour absence, « endo » pour intérieur et « -phasie » pour parole).
Avant ces nouveaux travaux, les chercheurs savaient seulement que nous utilisons notre voix intérieure pour nous aider dans certaines tâches mentales. « D’autres études suggèrent qu’il est essentiel à l’autorégulation et aux fonctions exécutives, telles que le changement de tâche, la mémoire et la prise de décision. »confirme Famira Racy, chercheuse indépendante et cofondatrice du Inner Speech Research Lab à l’Université Mount Royal à Calgary. « Certains psychologues affirment même, sans certitude, que la voix intérieure pourrait influencer le sentiment d’identité. »
La recherche nous a déjà appris que tout le monde n’est pas égal face à sa voix intérieure. Mais l’étude de Nedergaard et Lupyan est la première à montrer objectivement, par le biais de tests cognitifs, que l’éventuelle absence de cette voix affecte nos performances dans certaines tâches.
L’anendophasie n’est cependant pas un trouble médical.
Pour ce faire, Nedergaard et Lupyan ont mené quatre expériences cognitives liées au langage auprès d’une centaine de participants avec lesquels ils avaient déjà travaillé dans une étude précédente. Parmi eux, 47 personnes ont affirmé avoir une voix intérieure dominante, tandis que 46 ont affirmé le contraire.
Dans le premier exercice, on leur a demandé de répéter cinq mots qui leur avaient été brièvement montrés. Le deuxième test a testé leur capacité à dire si les noms des objets sur deux images rimaient. Dans les deux cas, le groupe avec la voix intérieure la plus forte était plus précis et parfois plus rapide.
Nedergaard et Lupyan ont ensuite créé un nouveau groupe (réparti à parts égales entre personnes avec et sans voix intérieure) : celui des personnes qui s’étaient parlées à voix haute lors des exercices précédents. Lorsque les chercheurs ont comparé les résultats au sein de ce nouveau groupe, les différences ont disparu. Cela suggère que parler à voix haute compense l’absence de voix intérieure.
Les troisième et quatrième expériences, qui impliquaient un changement rapide de tâche et un jeu de recherche des différences, n’ont pas révélé de différences entre les deux groupes initiaux. La voix intérieure ne semble donc pas être la seule façon d’aider dans ce type d’exercice.
En prouvant que le dialogue intérieur peut effectivement apporter des bienfaits cognitifs, cette étude pourrait aider la médecine. « Quelqu’un avec plus de langage intérieur pourrait être plus dépendant du langage dans sa pensée, explique Gary Lupyan. Les troubles du langage dus à un AVC peuvent donc avoir des conséquences plus graves pour eux et nécessiter un traitement différent.
Selon Ladislas Nalborczyk, neuroscientifique à l’Institut du Cerveau à Paris, comprendre comment fonctionne la voix intérieure peut également aider dans le domaine de l’éducation. « Les différentes façons dont les enfants représentent les sons du langage peuvent affecter (…) la façon dont ils apprennent à lire et à écrire »il dit.
Mais l’étude ne révèle pas de handicap en cas de voix intérieure faible ou absente. De plus, elle ne prouve pas la possibilité de son absence totale. Charles Fernyhough, psychologue à l’université de Durham, prévient : « Utilisez le le terme « anendophasie » peut pour donner l’impression que nous parlons d’un problème médical. Je préfère parler de la diversité avec laquelle nous vivons cette chose interne : il n’y a pas deux esprits identiques.