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Les origines des immigrés en France se diversifient

Les origines des immigrés en France se diversifient

Les tenants de la théorie du « grand remplacement » vont avoir un choc. En 2023, 7,3 millions d’immigrés, c’est-à-dire de personnes nées à l’étranger, vivaient en France, dont 34 % ont acquis la nationalité française (au sens statistique, un individu reste immigré même s’il devient Français), selon une étude de l’Insee publiée ce jeudi. Ces derniers représentent 10,7 % de la population, contre 6,5 % en 1968.

Assez stable durant les années 1970, 1980 et 1990, le nombre d’immigrés en France a augmenté depuis le début des années 2000. Et ce pour plusieurs raisons. Ce mouvement « ne concerne pas que la France et traduit une augmentation de la mobilité entre les pays », explique Sylvie Le Minez, responsable de l’unité d’études démographiques et sociales à l’Insee.

Une tendance portée notamment par l’augmentation des étudiants étrangers et les crises géopolitiques entraînant l’arrivée de réfugiés « dans plusieurs pays européens ». Début 2023, 81.000 immigrés originaires d’Ukraine vivaient en France, soit 50.000 de plus qu’un an plus tôt, relève l’Insee.

Regroupement familial, travail, précarité…

La croissance des immigrés a également été plus soutenue que celle du reste de la population depuis le début des années 2000 en raison d’une baisse de la natalité combinée à une augmentation des décès liée à l’arrivée à un âge avancé de la génération du baby-boom.

Autre phénomène : les origines des immigrés se diversifient. En 2023, 48 % des immigrés venaient d’Afrique, 32 % d’Europe, 14 % d’Asie et 6 % d’Amérique et d’Océanie. Si l’immigration africaine en France « est en constante augmentation depuis la Seconde Guerre mondiale », les pays d’origine de ces immigrés évoluent : six immigrés africains sur dix sont originaires du Maghreb, contre neuf sur dix en 1968 à la fin de la décolonisation.

A l’inverse, le nombre d’immigrés en provenance des pays d’Afrique noire a doublé depuis 2006, pour des raisons de regroupement familial, d’études, de travail ou de conflits et d’instabilité politique dans le pays d’origine.

« Les raisons de venir en France varient fortement d’une région à l’autre », souligne l’Insee. Le regroupement familial est une raison invoquée par près de la moitié (46 %) des immigrés originaires d’Afrique. C’est aussi la première raison évoquée par les immigrés originaires d’Asie. Mais un quart de ces derniers évoquent aussi l’insécurité dans leur pays d’origine parmi les raisons qui les ont poussés à émigrer en France, une raison qui est même avancée par plus de la moitié des étrangers originaires du Moyen-Orient. Les immigrés nés en Europe citent en priorité le travail (37 %) et la famille (34 %).

Au-delà de ces grands chiffres, les notes de l’INSEE s’intéressent également à des aspects spécifiques de l’immigration en France :

· Un fort sentiment de déclassement chez les immigrés d’origine africaine

Si le travail est la troisième raison invoquée par les immigrés africains, la migration représente une rupture professionnelle et l’intégration n’est souvent pas à la hauteur des attentes. « Les immigrés d’Afrique éprouvent un sentiment de déclassement plus fort que les autres », observe Odile Rouhban, chargée de recherche à l’Insee. Un tiers (32 %) des immigrés africains en âge de travailler estiment que leur emploi est en deçà de leur niveau de compétences. Ce sentiment de déclassement n’est partagé « que » par 26 % des immigrés nés en Europe ou en Asie et est exprimé par un quart (24 %) des non-immigrés.

Ce sentiment reflète une réalité : alors qu’une majorité des immigrés africains qui avaient un emploi avant d’arriver en France ont retrouvé un emploi de même niveau de qualification, 26% d’entre eux occupent actuellement un emploi moins qualifié qu’avant leur migration.

« Parmi ceux qui occupaient un emploi d’ouvrier qualifié ou d’employé avant la migration, 38 % travaillent comme ouvrier non qualifié ou employé et connaissent donc une mobilité descendante », note l’Insee.

Avoir un diplôme de l’enseignement supérieur ne protège pas du risque de mobilité professionnelle descendante puisque 36% des immigrés africains dans cette situation sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur. La non-reconnaissance de certains diplômes obtenus à l’étranger et, potentiellement, le niveau de maîtrise de la langue française ou encore les discriminations qui concernent davantage les immigrés d’Afrique sont autant d’explications avancées par l’Insee.

« Ce sentiment de déclassement plus répandu chez les immigrés africains ne s’explique pas uniquement par une durée moyenne de séjour plus courte en France », souligne l’étude. En effet, même après plus de quinze ans en France, 30 % des immigrés africains éprouvent encore ce sentiment de déclassement.

· La maîtrise du français est un défi plus important pour les Asiatiques

Parmi tous les immigrés, ceux originaires d’Asie (1 million vivent en France) ont la plus faible maîtrise de la langue française à leur arrivée. « Six sur dix ne maîtrisaient pas du tout le français », note l’Insee. Cette faible maîtrise initiale s’explique par la moindre présence francophone en Asie en raison de l’histoire coloniale, et par une moindre proximité entre la langue française et les langues parlées en Asie. Seuls 14 % d’entre eux ont grandi dans un foyer où l’on parlait français, contre 19 % des émigrés venus d’Europe et 46 % des immigrés venus d’Afrique.

Si cette moindre maîtrise du français peut freiner leur intégration sociale et professionnelle, « les immigrés asiatiques progressent fortement », constate l’Insee, leur niveau s’améliorant « avec l’ancienneté en France, ou avec le fait d’y avoir étudié, ou d’avoir un conjoint né en France ». Le fait d’être plus jeune joue aussi un rôle. De plus en plus d’immigrés d’Asie viennent en France pour étudier, notamment près d’un immigré sur deux né en Chine. L’âge médian d’arrivée en France des immigrés chinois est de 24 ans et ils sont de plus en plus diplômés.

· L’enthousiasme des immigrés européens pour les régions frontalières

Où s’installent les immigrés en France ? Les immigrés des pays voisins de la France vivent plus fréquemment dans les régions frontalières et en région parisienne : près de quatre immigrés sur dix nés en Espagne vivent en Occitanie ou en Nouvelle-Aquitaine, selon l’Insee. Et les immigrés nés en Italie vivent aussi presque deux fois plus souvent en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur (38 %) que la population totale (20 %). Autre exemple : un tiers des immigrés allemands vivent dans la région Grand Est.

Pour les immigrés nés dans les pays européens qui ne partagent pas de frontière commune avec la France, l’Ile-de-France est la région de résidence la plus fréquente, comme pour l’ensemble des immigrés. En 2023, 26 % des immigrés originaires d’Europe résident dans cette région. « Bien qu’ils vivent en France, certains immigrés originaires des pays voisins travaillent à l’étranger, dans leur pays d’origine ou dans un autre pays, bénéficiant ainsi de la libre circulation au sein de l’espace Schengen », note également l’étude de l’Insee.

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