Nouvelles locales

Les mystères du requin du Groenland, ce poisson géant qui vit plusieurs siècles dans les eaux glacées

Un requin du Groenland sous la glace dans le détroit de Lancaster, au Nunavut, au Canada, en 2015.

Vivre plusieurs siècles dans les eaux glacées, dans la lenteur et la nuit éternelle des abysses, tel est le destin du requin du Groenland, une espèce qui détient le record de longévité parmi les vertébrés. Au moins trois cents, et peut-être cinq cents ans, selon une étude publiée en 2016.

« C’est une expérience émouvante que de poser les mains sur un animal qui a vécu si longtemps. »« C’est un mystère pour moi, reconnaît Éric Ste-Marie, doctorant en biologie à l’Université de Windsor, au Canada. Les scientifiques, fascinés, s’intéressent aux mécanismes qui pourraient expliquer la longévité exceptionnelle de ce poisson géant, qui peut atteindre 5 mètres. Depuis une décennie, les publications scientifiques s’accumulent, et le mystère s’éclaircit peu à peu. »

« La première hypothèsedéclare John Steffensen, professeur de biologie marine à l’Université de Copenhague au Danemark, qui organise des expéditions scientifiques pour étudier l’animal, C’est parce qu’il vit à des températures très basses. Entre −1,8°C et 7,5°C. Contrairement aux mammifères, qui maintiennent leur corps à une température constante, la température des requins suit celle de leur environnement. À quelques centaines de mètres sous la banquise, la température corporelle du requin du Groenland descend à −1,8°C, soit le point de congélation de l’eau de mer. Tellement basse que son métabolisme, l’ensemble des réactions biologiques et chimiques dans ses cellules, est très lent.

Lire aussi | Ce requin qui peut vivre quatre siècles

« Une autre raison est son style de vie, déclare Holly Shiels, professeur à la division des sciences cardiovasculaires à l’Université de Manchester au Royaume-Uni. Il vit dans les profondeurs de l’océan, un endroit difficile d’accès pour les humains. Et il a très peu d’autres prédateurs. Il peut donc vivre le plus longtemps possible. Depuis une dizaine d’années, elle étudie le métabolisme musculaire et la physiologie du coeur du requin. L’animal est lent, très lent. « Même quand tu le laisses partir, il s’éloigne lentement. »dit John Steffensen, en mimant les battements des nageoires au ralenti.

« Quelque chose de spécial »

Une lenteur qui touche aussi son coeur. David McKenzie, directeur de recherche au CNRS (Montpellier), a plongé des requins dans un bassin d’un port de l’île Disko, au Groenland, pour réaliser des électrocardiogrammes. « Leur cœur bat 4 à 6 fois par minute au repos. »il précise.

Une théorie, appelée « rythme de vie », associe la longévité à la « rapidité » des fonctions métaboliques. Un colibri a un métabolisme et un rythme cardiaque très rapides et vit environ trois ans, et le requin du Groenland, avec son métabolisme ralenti par le froid et son cœur très lent, pourrait vivre au moins trois ans. trois siècles. Mais, selon Holly Shiels, cette théorie à elle seule n’explique pas sa longévité : « D’autres espèces de l’Arctique ont le même rythme cardiaque, mais une espérance de vie de vingt ou quarante ans. Il a donc quelque chose de spécial. »

Il vous reste 59.75% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page