Dans la nuit du 10 au 11 octobre 2024, du nord au sud en passant par le centre de l’île, près de 30 brandons ont été incendiés, partiellement ou totalement. Une semaine après cet embrasement sans précédent, la reprise des discussions prévue mercredi 16 octobre entre parties prenantes pour tenter d’avancer vers une sortie de crise pour juguler l’inflation, semble compromise. Les entreprises craignent une résurgence de la violence en cas d’échec des négociations.
La reprise des discussions entre élus martiniquais, représentants de la grande distribution, le préfet, la Grande Communauté (la CTM) et le RPPRAC (Rassemblement pour la protection des populations et des ressources afro-caribéennes) pourrait avorter.
Dans un communiqué diffusé à la presse et aux réseaux sociaux dans la soirée du lundi 14 octobre 2024, l’association a annoncé son intention de « poursuivre ses rassemblements contre la « vie chère » ».
Les membres du RPPRAC prennent acte de la décision du président de l’exécutif de la collectivité territoriale de Martinique de ne pas renouveler la table ronde prévue mardi 15/10/24 au Plateau Roy. Nous tenons à souligner que malgré nos réticences, 24 points sur 26 ont été enregistrés. Il regrette cependant d’avoir été prévenu par communiqué ce lundi soir après 20h00.
Le RPPRAC (communiqué du 15 octobre 2024)
En effet, dans une communication électronique émanant du PCE (Président du Conseil Exécutif) à 20h14 ce lundi, Serge Letchimy a pris acte du fait qu’il n’avait pas reçu à ce moment-là « aucune nouvelle proposition concrète et viable pour faire avancer les négociations sur les deux derniers points restant à discuter, parmi les 26 du projet de mémorandum d’accord ».
A l’issue de la dernière table ronde (vendredi 11 octobre, à 1h30), j’ai donné à chaque acteur jusqu’au mardi 15 octobre, minuit, pour formuler ses propositions. Il n’y aura donc pas de nouvelle table ronde ce mardi.
Autrement dit, sauf mauvaise interprétation, la porte reste ouverte au dialogue pour toutes les parties prenantes, jusqu’à minuit aujourd’hui (mardi 15). Mais le RPPRAC semble avoir unilatéralement mis un terme à la réunion, ignorant avec intransigeance la main toujours tendue du président de séance.
Nous affirmons qu’aucune concession ne sera faite à ceux qui n’ont jamais fait preuve de bonne volonté envers le pouvoir d’achat des Martiniquais, et ce bien avant 2009. Nous déclarons solennellement qu’il n’y aura aucune concession face à la cherté de la vie, que ce soit en 2009. ou 2024.
Plus tôt lundi, lors de l’émission matinale de Martinique Première, le leader de la lutte, Rodrigue Petitot, avait déjà annoncé la couleur concernant l’alignement des prix des produits alimentaires pratiqué dans l’île, avec ceux de l’hexagone : « Tout est question de nourriture… nous n’allons rien abandonner. »
C’est donc là le nœud du problème qui dérange tous les autres acteurs, ce qui équivaut à 40 000 prix à revoir à la baisse. « Ce n’est pas possible » avait déjà prévenu Serge Letchimy, qui a donc invité l’association et les commerçants à retrouver d’une manière ou d’une autre une note mal coupée. Mais les membres du Rassemblement restent inflexibles.
S’agit-il d’une stratégie visant à accroître la pression sur les distributeurs ou le conflit a-t-il franchi la frontière du non-retour ? C’est en tout cas ce que craignent de nombreuses entreprises jusqu’ici épargnées, mais aussi celles qui ont retroussé leurs manches depuis une semaine, pour tenter de se remettre à flot, en attendant un coup de pouce des compagnies d’assurance.
C’est le cas de Willy Hilaricus, ce jeune pharmacien qui a retrouvé sa pharmacie réduite en cendres au lendemain des « incendies criminels » de la nuit du 10 octobre.
J’ai été extrêmement choqué par les conditions dans lesquelles j’ai perdu mon entreprise. J’essaie actuellement de trouver un local pour reprendre mon activité avec mes 7 salariés, mais c’est compliqué au Carbet où la population a besoin d’une pharmacie. Et puis c’est toute ma vie que j’ai construite autour de mon entreprise depuis 2016. J’ai l’intention de rebondir, car c’est un coup dur, pour moi, pour mes salariés et pour le Carbet. La situation est très difficile, mais je me bats.
Pharmacien Willy Hilaricus
Même souci pour l’entreprise « Master Salad » basée à Saint-Joseph et « partiellement brûlé »dont les photos montrent clairement l’étendue des dégâts.
Tout notre stock de consommables a brûlé, nos machines de rechange brûlées, notre réservoir de gasoil brûlé, un de nos camions que nous n’avions pas pu sécuriser brûlé (les 3 autres avaient été vandalisés la veille). Nos palettes ont brûlé, le générateur est endommagé, nos pièces détachées brûlées, nos 2 containers brûlés, notre production est arrêtée (et) 15 personnes sont au chômage. Publication de l’entreprise sur les réseaux sociaux
Publication de la marque sur les réseaux sociaux
Au lendemain de ces émeutes, à l’ouverture du 5e Lors d’une table ronde (11 octobre), Catherine Rodap, la présidente du Médef Martinique, s’est indignée de la catastrophe de la veille et des conséquences pour les entreprises impactées.
Nos entreprises sont pillées, avec une menace pour notre économie, nos emplois aussi, et un risque de dépôt de bilan. Ce sont des pères et des mères qui se trouvent aujourd’hui dans une situation très précaire. Nous sommes dans une situation inacceptable ! Nous vivons dans un climat d’insécurité, la sécurité de notre territoire est en difficulté (…). Je dis oui à la concertation, mais on ne peut pas continuer à rester dans cette situation anxiogène.
Catherine Rodap(11 octobre 2024)
Quelles seront les prochaines étapes et jusqu’où ira le RPPRAC ?toujours déterminé » comme le disent souvent ses représentants ? La question reste sans réponse au moment de la publication de cet article. Une chose est sûre, la Martinique retient son souffle, spéculant sur l’issue de cette crise.