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Les migrants, otages des ambitions politiques en Europe – La chronique de Francis Wurtz – 13 septembre 2024

Par Francis Wurtz, membre honoraire du Parlement européen

Ces dernières années, on assiste en Europe à une multiplication des cas de politiciens prêts à promouvoir leurs ambitions politiques en flattant les tendances anti-migrants de l’opinion publique, quitte à chasser sur le territoire de l’extrême droite.

A cet égard, on attend avec appréhension les mesures « concrètes » annoncées par le nouveau Premier ministre français en matière de « maîtrise des flux migratoires ». On se souvient, en effet, des positions affligeantes, clairement empruntées à l’extrême droite, développées par Michel Barnier lorsqu’il participait, en 2021, aux primaires LR, dans l’espoir d’être choisi par une base militante d’ultra-droite comme candidat à l’élection présidentielle ! Quiconque connaissait l’ancien commissaire européen, affable et plutôt modéré, ne pouvait croire à cette escalade inattendue et nauséabonde contre des personnes en grande difficulté et cherchant refuge en France. Maintenant que son sort à Matignon dépend du bon vouloir des députés le pénistes, l’intéressé risque d’être d’autant plus tenté de faire des migrants les otages de sa survie politique.

Mais il n’y a pas qu’en France – ni malheureusement seulement au sein de la droite – que l’on voit le recours à cette pratique déshonorante, avec des variations selon le contexte politique national. Le cas le plus récent est celui de l’ancienne dirigeante du parti de gauche allemand (Die Linke), Sahra Wagenknecht, dont la nouvelle formation (qui porte son nom…) vient de remporter un double succès électoral. Sa stratégie, dite de « gauche conservatrice » (!), s’appuie sur la portée d’un discours calqué à la fois sur celui de la gauche concernant les questions sociales et sur celui de l’extrême droite sur l’immigration – jusqu’à recommander, à l’instar des conservateurs britanniques, l’examen des demandes d’asile hors de l’Union européenne. « Sahra Wagenknecht joue avec le feu », écrivais-je dans ces colonnes au début de sa dérive, en 2018, lorsqu’elle critiquait l’aide apportée aux réfugiés de la guerre civile syrienne au prétexte que l’Allemagne, qui accumulait alors quelque 250 milliards d’euros d’excédents commerciaux par an, n’avait pas « assez de ressources pour ses citoyens les plus démunis » ! Aujourd’hui, on constate que sa campagne a coûté beaucoup de voix à la gauche, sans pour autant affaiblir en rien l’extrême droite…

Ces calculs sont-ils durablement profitables à ceux qui s’y livrent ? Rien n’est moins sûr. En témoigne la sévère déception électorale subie par une « dure » en la matière : la Première ministre sociale-démocrate du Danemark, Mette Frederiksen. N’a-t-elle pas déclaré devant son parlement en janvier 2021 que son objectif était que son pays n’accueille plus aucun demandeur d’asile ? Comment ? En refoulant systématiquement tout demandeur « vers un pays hors Europe »… Hélas, les dernières élections européennes au Danemark ont ​​été marquées par une lourde défaite du parti social-démocrate et un succès inédit du parti populaire socialiste, authentiquement de gauche. De quoi faire réfléchir les politiques tentés par le « modèle danois » en matière d’immigration. Il est grand temps de penser le monde d’avenir avec pour repères les communs, non la forteresse, mais la solidarité, non les rapports de force, mais la coopération dans l’égalité.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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