Il a été sifflé. Lorsque Kylian Mbappé est entré sur la pelouse du stade Pierre-Mauroy de Lille, l’accueil a en effet été très hostile. Bien évidemment, il portait le maillot du Real Madrid, adversaire du soir en Ligue des Champions. Néanmoins, son statut de capitaine des Bleus, et longtemps de coqueluche du football français (en quatrième position parmi les personnalités préférées de nos concitoyens fin 2022), aurait dû, un peu, le protéger (Thierry Henry avait été applaudi à la Meinau en octobre 2018 lors de son arrivée dans le costume d’entraîneur monégasque). Après tout, un an et demi plus tôt, il était encore applaudi dans toutes les régions françaises (à Rennes, à Lens par exemple) après son triplé contre l’Argentine au Mondial.
Au contraire, les sondages, pour ce qu’ils valent (les dernières élections législatives nous l’ont prouvé), indiquent clairement un désenchantement grandissant depuis ses exploits en finale de la Coupe du monde à Doha et la saga de son départ du PSG. Selon une enquête Odoxa réalisée pour Winamax et RTL, elle ne bénéficie désormais que de 54% (-12 points) de bonne opinion. Là voix populaire n’a pas raison, mais les réseaux sociaux et le match de mercredi soir renforcent cette impression qui se lit presque sur son visage lorsqu’il enfile le maillot bleu.
Pour Mbappé, les Bleus ne sont plus un refuge
De ce fait, l’absence du désormais Madrilène lors des prochaines confrontations de la Ligue des Nations contre la Belgique et Israël ne peut pas passer inaperçue, ni s’avérer simplement anecdotique, même s’il s’agit effectivement d’une compétition moins cruciale par exemple que les phases qualificatives de la prochaine Coupe du monde nord-américaine. Pour désamorcer ou du moins atténuer la polémique, Didier Deschamps a tenté de nous vendre le principe de précaution, la nouvelle ayant d’ailleurs déjà fuité dans la presse : « Il a un problème mineur, mais il a besoin d’un traitement pour se rétablir correctement. (…) je ne suis pas là pour prendre des risques. » Avec en retour l’étrange impression que Mbappé est un enfant qui signe lui-même ses notes d’absence de l’établissement scolaire. Une décision d’autant plus incompréhensible qu’il avait tenu à être inclus dans le groupe pour le match de son club en C1 et qu’il a même mis les pieds sur le terrain malgré sa blessure. Sans briller.
💬🇫🇷 Didier Deschamps sur l’absence de Kylian Mbappé : « Il a un problème qui n’est pas grave mais nécessite un traitement »#lequipeFOOT pic.twitter.com/b5adDexRLm
— la chaîne L’Équipe (@lachainelequipe) 3 octobre 2024
Les doutes sur l’état d’esprit de l’enfant de Bondy, dont l’esprit semblait en acier inoxydable malgré le contexte, sont naturellement de plus en plus commentés. L’entraîneur a aussi entretenu (volontairement ?) le malaise, qui sait peut-être dissimuler l’omission de Lucas Chevalier dans son effectif, pourtant stratosphérique la veille et principal artisan de l’exploit des Dogues : « Kylian n’était pas dans la meilleure condition psychologique lors du dernier rassemblement, notamment avec son arrivée et la longue attente à Madrid. Je n’ai aucun doute sur l’implication de Kylian, mais il n’était pas dans les meilleures conditions lors du dernier rallye. » Comprenez, il ne se sent pas bien, y compris en équipe nationale qui constituait auparavant son refuge et sa parenthèse enchantée, la période du « gang pivot ».
La reconnaissance et l’ombre de Griezmann
Deschamps s’est retrouvé dos au mur, récoltant les fruits amers de son coup de force en passant le brassard à l’attaquant, apparemment contre les attentes d’une grande partie du vestiaire et de l’opinion publique. A l’heure où l’équipe de France traverse une période trouble et transitoire, le capitaine, aussi talentueux soit-il, semble absent. Il a été évanescent lors de la leçon infligée par l’Italie chez lui au Parc des Princes, incapable de remettre ses troupes en ordre de bataille, presque indifférent au naufrage en cours. Antoine Griezmann a conclu la rencontre par un tour d’honneur pour saluer et remercier le public, s’imposant comme l’unique incarnation du lien entre les Bleus et le peuple. Tout un symbole.
Justement, l’absence de Mbappé va encore amplifier l’écho de la retraite internationale de Colchonero, et son ombre planera cruellement lors des rencontres, notamment en cas de contre-performance. Conscient de cette croisée paradoxale des destins, le champion du monde a rendu un hommage fortement teinté de désillusion personnelle à son ancien coéquipier sur Instagram, dont ce passage n’a pas été écrit par hasard :« Porter ce maillot exige toujours plus sans parfois apporter la reconnaissance qui va avec. » Pensée à double tranchant : pour recevoir, il faut savoir donner. Les Français accepteront-ils d’être le deuxième choix du capitaine des Bleus ?
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