Les mauvais calculs de Maretraitenupes.fr, le simulateur utilisé par Gabriel Attal pour critiquer la gauche
La séquence a été soigneusement préparée par Gabriel Attal. Lors du débat politique diffusé jeudi 27 juin sur France 2, le Premier ministre s’en est pris au Nouveau Front populaire (NFP) sur les hausses d’impôts qu’il envisage pour financer les dépenses sociales de son programme. « Vous proposez d’augmenter la CSG (contribution sociale générale) sur les pensions de 1 200 euros »a-t-il critiqué, appelant les téléspectateurs à consulter le site Maretraitenupes.fr, créé par Ensemble, la coalition présidentielle, pour évaluer les conséquences d’une telle mesure. « Tous les Français qui nous regardent, qu’ils soient retraités, enfants, petits-enfants de retraités, peuvent se connecter au sitea affirmé M. Attal. Vous saisissez votre montant de retraite et vous voyez de combien votre CSG va augmenter et combien de retraite en moins cela signifie pour vous.
« Je suis favorable à la CSG progressiste, a répondu Olivier Faure, qui représentait le NFP. Il est normal que les gens qui ont moins paient moins et que les gens qui ont plus paient plus. » Le premier secrétaire du Parti socialiste a dénoncé la « Le simulateur truqué de M. Attal » et assuré que « Pour un petit retraité, ça ne coûtera rien du tout »Vendredi 28 juin, La France insoumise, autre composante du PFN, a dénoncé, dans un communiqué, un simulateur « couché » et a lancé une procédure contre Renaissance pour « Des allégations fausses et trompeuses susceptibles de modifier le résultat du vote ».
Trompeur, le nom de domaine Maretraitenupes.fr pourrait laisser croire qu’il s’agit d’un site de campagne piloté par la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale, ou Nupes, du nom de l’alliance de gauche pour les élections législatives de 2022, qui regroupe la plupart des des partis actuellement au sein du NFP.
Un site créé par Renaissance le jour du débat
Selon les informations disponibles en ligne, le site a été créé jeudi 27 juin, le jour même du débat entre Gabriel Attal, Jordan Bardella et Olivier Faure. Lors de sa parution, il ne contenait pas de mentions légales indiquant clairement qui en était l’auteur. Ce n’est que vendredi matin, après de nombreuses critiques en ligne, qu’un nouveau lien est apparu vers le site de Renaissance. Les responsables du parti ont confirmé Monde ayant créé ce site le jour du débat, mais nient toute intention de semer la confusion.
Lorsque Gabriel Attal a évoqué ce site jeudi à 21h03, aucune mention publique n’en avait été faite. Dans la foulée, plusieurs comptes militants sur X, dont « MacronardsFM » et « La France ! », a-t-il relayé. Dans le but, vraisemblablement, de faire remonter le sujet dans les tendances de la plateforme. Dans les minutes qui suivirent, le site fut partagé par de nombreuses personnalités de la Renaissance, comme le député du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre ou le compte X de Gabriel Attal lors du débat sur France 2. Aucune ne précisa que le site avait été créé par Renaissance.
Selon ce simulateur, le projet NFP induit des pertes importantes de pensions de retraite, en particulier pour les retraites modestes. Selon l’exemple partagé par le compte de Gabriel Attal sur X lors du débat, pour une pension nette mensuelle de 1 300 euros, la perte est estimée à 858 euros par an.
Des calculs trompeurs
Cependant, ces calculs posent plusieurs problèmes. L’examen du calculateur met en évidence deux biais majeurs dans sa conception. Tout d’abord, elle demande uniquement aux retraités le montant de leur pension de retraite. Or, le calcul de la CSG sur la pension de retraite, dans le système actuel comme dans celui envisagé par la gauche, dépend aussi du revenu imposable de l’ensemble du foyer, et du nombre de parts fiscales dans celui-ci.
Un retraité percevant une pension de 1 200 euros ne verse pas le même montant de CSG selon qu’il vit seul ou avec un conjoint qui perçoit une pension élevée. Mais le site Maretraitenupes.fr ne prend en compte que la situation d’une personne seule.
Le monde
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Interrogé à ce sujet, un haut responsable de l’équipe de campagne Ensemble reconnaît le rapprochement : « Il ne s’agit pas d’un simulateur du ministère de l’Économie.. » Il assume un simulateur « simpliste »pour alerter sur le programme « pas clair du tout » du PFN, qui n’a pas publié d’échelle détaillant sa proposition. « Les députés du Nupes ayant déposé des amendements de ce type par le passé, nous souhaitons alerter les retraités français sur les conséquences d’une telle mesure sur leurs retraites », justifie ce membre de Renaissance.
En cherchant à reproduire les calculs tels qu’Ensemble les a détaillés, Le monde n’est pas arrivé aux mêmes chiffres, le simulateur ayant tendance à surestimer les pertes et à ignorer les situations où la réforme serait au contraire favorable aux retraités.
Ensuite, cette approche repose sur une proposition de 2023, qui n’est pas directement incluse dans le programme NFP. L’amendement retenu a bien entendu été déposé par le Nupes et défendu par le socialiste Jérôme Guedj, avant d’être rejeté début 2023. Ensemble a estimé qu’il préfigure ce que pourrait donner la mesure soutenue aujourd’hui par la gauche d’une CSG plus « progressiste ». .
En tout cas, plusieurs membres du NFP ont assuré vendredi que leur réforme ne serait pas exactement celle proposée par les socialistes en 2023. « Notre programme commun pose le principe d’une CSG progressive, pour plus de justice fiscale, mais nous n’avons pas encore tranché sur la question du barème »explique Arthur Delaporte, député socialiste sortant et candidat PFN en 2e circonscription du Calvados. Si elle obtient la majorité à l’issue des élections législatives, la gauche entend arbitrer le débat à l’échelle à la Chambre, confirme Hadrien Clouet, député sortant de La France insoumise et candidat du NFP en Haute-Garonne : « La fiscalité est un sujet sérieux qui est discuté à l’Assemblée nationale, n’en déplaise à M. Attal. »