Nouvelles locales

les maires ruraux ont désormais leur couteau suisse pour mener à bien leurs projets

Élu en 2020, François Mainsard n’a pas manqué d’idées pour redynamiser sa petite commune endormie de Roz-Landrieux (Ille-et-Vilaine). Achat d’un ancien café, création de logements sociaux, installation d’une boulangerie… Mais comme la plupart des maires ruraux, cet ancien policier à la retraite s’est heurté à la complexité des financements croisés.

Pour obtenir des crédits du fonds régional Bien vivre partout en Bretagne, vous devez répondre à certains critères qui ne sont pas les mêmes que ceux du programme Ambition Commune du département. « C’est même parfois contradictoire. Quant à obtenir des fonds européens, c’est encore plus complexe.» témoigne l’élu de cette commune de 1 400 habitants.

Un apport d’ingénierie

L’édile reprend désormais confiance. Il a déjà eu trois rendez-vous avec Emmanuelle Perrin, chef de projet installée fin 2023 à la préfecture de Rennes. « Le 4 juin, nous avons consacré encore trois heures au montage financier. La boulangerie représente à elle seule un budget de 600 000 € pour notre commune. Elle fait également interface avec la Banque des Territoires. Sans elle, nous n’y arriverions pas. » assure l’édile.

Isabelle Perrin fait partie des 120 chefs de projet recrutés dans le cadre du programme Villages d’avenir annoncé il y a tout juste un an par le gouvernement de la Borne pour apporter de l’« ingénierie » aux élus. En Ille-et-Vilaine, Isabelle Perrin suivra une vingtaine de communes candidates et sélectionnées. Les projets sont divers, ils concernent la rénovation énergétique des bâtiments, une revitalisation du centre-ville ou encore la création d’une cuisine centrale pour les écoles de plusieurs villages. Depuis janvier et jusqu’à la mi-mars, Isabelle Perrin a visité toutes les communes. « Certains sont en phase d’idée et il faut lancer une étude d’opportunité. D’autres sont bien avancés et je vais les aider à préparer les appels d’offres », témoigne le chef de projet.

Dans les Vosges, 60 villages gagnants

Les élus disposent de leur numéro de téléphone portable et peuvent compter sur un suivi à long terme, tandis que les administrations locales ont souvent une intervention limitée à certaines phases du projet. « Un département pourra aider un maire à concevoir un lotissement mais la commercialisation des logements n’est pas de son ressort. Mon rôle est de suivre le projet du début à la fin, pour aider à frapper aux bonnes portes. »

Villages d’avenir a recruté un chef de projet par département, deux pour les plus ruraux. C’est le cas dans les Vosges où Claude Deloffre et Frédéric Forissier sont chargés du suivi d’une soixantaine de communes. Claude Deloffre, lui-même élu depuis vingt ans dans un village de 212 habitants, est bien placé pour connaître les attentes de ses collègues.

« Face aux tracas administratifs, à la complexité du millefeuille territorial et des normes, les élus jettent l’éponge. Quand ils n’ont pas qu’une secrétaire, dix heures par semaine, ce n’est pas possible de s’en sortir. Nous sommes des facilitateurs. » Comme leur collègue breton, les deux hommes ont visité toutes les communes. « Quand nous arrivons, les maires nous attendent sur les marches, dit Frédéric Forissier. Il y a un réel besoin d’écoute. »

Un réseau de chefs de projets

Villages d’avenir est ouvert aux communes jusqu’à 3 500 habitants car même dans les petites villes, il existe des besoins en ingénierie. Virgil Étienne est directeur général des services à Châtel-sur-Moselle, cité de caractère de 1 760 habitants dans les Vosges. Il travaille sur un ambitieux projet de centre médical avec un centre local d’accueil d’urgence pour soulager les hôpitaux d’Epinal et de Nancy. « La commune compte quatre agents administratifs mais nous manquons de compétences techniques et juridiques pour travailler sur ce dossier complexe. » L’accompagnement du chef de projet qui a donné un coup d’accélérateur au dossier lui laisse l’espoir d’ouvrir la structure fin 2025.

Le programme est géré par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT). Il propose des outils et des formations aux gestionnaires de sites qui souhaitent se constituer un réseau. « Avec les trois autres collègues de la région Bretagne, nous nous rencontrons régulièrement par visio pour discuter. » témoigne Emmanuelle Perrin. Sur les 120 postes financés par l’État, une vingtaine sont encore en cours de recrutement. « Ils ont des profils variés, plutôt techniques ou administratifs, avec une moyenne d’âge autour de 35-40 ans et sept à vingt ans d’expérience professionnelle. » évalue Magali Marin, responsable du programme. Ils sont embauchés pour trois ans. Un contrat qui pourrait être renouvelé compte tenu du succès rencontré par Villages d’avenir.

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4 000 villages candidats

Deux mille quatre cents villages ont été sélectionnés en décembre 2023 pour bénéficier du programme Villages du Futur, mais 4 000 ont répondu à l’appel à candidatures. Preuve, selon l’Association des maires ruraux (AMRF) qui plaidait pour un tel système d’accompagnement, que les élus ruraux ont de réelles ambitions pour leurs communes. Les mairies lauréates sont accompagnées pour une durée pouvant aller jusqu’à dix-huit mois. Au fur et à mesure que les premiers projets se concrétisent (ce qui devrait être le cas en 2024), d’autres villages devraient rejoindre le programme. Selon le gouvernement, les 2.400 premiers villages, avec une population moyenne de 889 habitants, représentent au total 2,2 millions de personnes.

William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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