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Les lieutenants macronistes côtoient la vieille droite réactionnaire : avec le gouvernement Barnier, c’est toujours plus à droite

S’il faut chercher une cohérence dans la composition du nouvel exécutif, voici une première : en Macronie, il faut avoir perdu les élections pour pouvoir gouverner. Les statistiques sont claires. Dans l’équipe de Michel Barnier, dont les 39 noms ont été révélés samedi 21 septembre, après deux semaines d’atermoiements et de tensions, dix ministres sont issus de LR. C’est-à-dire d’un parti qui a recueilli moins de 7 % des voix aux dernières législatives.

Dix-sept sont issus des rangs de la Macronie (Renaissance, Modem ou Horizons), ou d’une coalition défaite lors de ces mêmes élections. Voilà comment se résume la recette de gouvernement de Michel Barnier, forcément endossée par Emmanuel Macron : des lieutenants macronistes, reconduits ou promus, côtoyant la vieille droite réactionnaire, l’option Manif pour tous et une croisade contre le « wokisme ». Avec la bénédiction – provisoire – du Rassemblement national.

Le président de la République avait pensé la dissolution comme une grande opération de « clarification ». Le nouveau gouvernement en propose donc deux : d’abord, la démocratie n’intéresse le bloc bourgeois que lorsque les urnes vont en sa faveur. Ensuite, la Macronie est bel et bien le faux nez de la droite la plus conservatrice.

La dissipation des dernières illusions du « en même temps » est le seul véritable élément de rupture d’un gouvernement où, si l’on fait le calcul, la Macronie reste forte. Un tiers des 19 ministres de plein exercice ont déjà eu un portefeuille sous Gabriel Attal ou Élisabeth Borne : on retrouve entre autres Rachida Dati, confirmée à la Culture, Guillaume Kasbarian (transféré du Logement à la Fonction publique avec mission de supprimer le statut de fonctionnaire), Sébastien Lecornu, inamovible dans les Armées, ou encore Agnès Pannier-Runacher (qui passe de l’Agriculture à la Transition écologique).

La défaite, un plus sur le CV

Signe qu’Emmanuel Macron a toujours le dessus : ses jeunes lieutenants pullulent au gouvernement, à commencer par Maud Bregeon, jusqu’ici députée et porte-parole de Renaissance, désormais porte-parole du gouvernement. Marc Ferracci, témoin et ami du couple Macron, débarque à l’Industrie.

Mais c’est surtout du côté de Bercy que les signes ne trompent pas : Antoine Armand, 33 ans, succède à Bruno Le Maire à l’Economie, garantissant au parti présidentiel la mainmise sur les cordons de la bourse. D’autant qu’un rentier se voit confier le Budget, rattaché à Matignon : le macroniste Laurent Saint-Martin, qui avait perdu son siège de député en 2022 après s’être crashé aux élections régionales en Île-de-France en 2021, fait ainsi son retour en beauté. Une défaite, décidément, un plus sur un CV ministériel.

Résultats : si « Les Républicains » font une entrée en force au gouvernement – et notamment dans la droite sénatoriale, avec 9 sénateurs devenus ministres -, ils semblent avoir été consciencieusement écartés des ministères clés. L’Economie et les Armées leur échappent donc, mais aussi l’Education nationale (Anne Genetet, Renaissance), le Quai d’Orsay (Jean-Noël Barot, Modem) ou encore la Justice.

Cette dernière a été confiée au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Didier Migaud. Censé incarner à lui seul la fameuse « ouverture » de Michel Barnier, l’ex-socialiste devra composer avec son collègue de l’Intérieur, l’extrême droite Bruno Retailleau. Imposer le chef de file des sénateurs de droite à Beauvau constitue la plus belle victoire de LR.

Et l’assurance d’une ligne encore plus dure sur l’immigration : le Vendéen, ancien proche de Philippe de Villiers, avait déclaré, lors des soulèvements qui ont suivi la mort de Nahel, que l’immigration était une urgence. « émeutiers » étaient dans « une sorte de régression vers les origines ethniques « .

Bruno Retailleau est, enfin, l’un des artisans de la première version de la loi sur l’immigration, votée en janvier 2024, qui comportait, entre autres, la suppression de l’aide médicale d’Etat et de plusieurs prestations sociales pour les étrangers, ainsi que la fin de l’automaticité du droit de naissance – mesures finalement rejetées par le Conseil constitutionnel.

Congrégation des réactionnaires

Dans son sillage, de nombreux ministres très conservateurs, notamment sur les questions LGBT et les droits des femmes, font leur entrée – l’effort fait par Emmanuel Macron pour leur trouver une place est illustré par la pléthore de ministres et secrétaires d’État : 39, un record depuis 2017.

Nombre d’entre eux, comme Annie Genevard (Agriculture), Laurence Garnier (Consommation), Patrick Hetzel (Recherche), François-Noël Buffet (Outre-mer), ont voté contre la constitutionnalisation de l’avortement en 2024 et contre la loi dite « PMA pour toutes » en 2021. Deux des rares marqueurs progressistes de l’ère Macron. A tel point que l’ancien Premier ministre Gabriel Attal a promis aux députés macronistes, dont il préside désormais le groupe, qu’il exigerait « garantit » à Michel Barnier sur « PMA, IVG et droits LGBT ».

Car le groupe Ensemble est sous le choc depuis les nominations. « C’est le chaos dans nos boucles de discussion »rapporte un député. Dès que les premiers noms de la droite ont pris la fuite, il y a même eu un départ. Celui de Sophie Errante, élue de Loire-Atlantique. « En 2017, nous avions un plan pour faire entrer le pays dans une nouvelle ère, nous étions censés représenter un nouveau monde libéré des contraintes idéologiqueselle se lamente à Humanité. Au contraire, alors que les urnes exprimaient une volonté d’apaisement et de rejet de l’extrême droite, nous revenons plusieurs décennies en arrière avec un gouvernement d’extrême droite. »

Si elle a décidé de prendre la mer, d’autres entendent désormais mener le combat au sein du groupe, même si la pilule est difficile à avaler. Bertrand Sorre, député de la Manche, déplore lui aussi une « retour vers le passé » à contre-courant « valeurs » de sa famille politique. « J’attends la déclaration de politique générale pour donner un avis définitif sur ce changement.il est néanmoins qualifié. J’ai, comme beaucoup d’entre nous, plusieurs lignes rouges. Si elles sont franchies, nous ne nous interdisons pas de voter pour la censure. » Que sont ces lignes rouges ? « S’ils décident de toucher à l’AME, par exemple, nous ne le laisserons pas faire ! » répond-il. Un autre député, macroniste de la première heure, s’agace également : « Personne n’a voté pour un gouvernement d’extrême droite, et pourtant c’est ce que nous proposons au pays. »

D’autant que tout le monde est très conscient du fait que les membres de ce gouvernement sont assis sur des sièges éjectables dont le bouton est à portée de Marine Le Pen. Sans vote du RN contre, le gouvernement ne peut être censuré. Or, le parti d’extrême droite ne lâchera l’exécutif Barnier que lorsqu’il estimera que le moment est opportun (quand une nouvelle dissolution sera possible, l’été prochain par exemple).

Pour l’instant, le RN se contente donc de ses petites victoires (ses bêtes noires Xavier Bertrand et Éric Dupond-Moretti écartées du gouvernement, la promesse d’une ligne dure sur l’immigration avec Bruno Retailleau), tout en maintenant la pression.

« C’est un gouvernement sans avenir, un retour au macronisme  » a réagi Jordan Bardella à l’annonce des noms des nouveaux ministres. Le RN entend organiser l’impopularité de l’exécutif, tout en lui accordant un sursis, dans le but d’en récolter les meilleurs fruits au prochain scrutin. Un plan diablement bien rodé qui n’est possible que parce qu’Emmanuel Macron a décidé, en dernier recours, de contourner le verdict des urnes.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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