Les islamistes de Yeniden Refah, prêts à renverser Erdogan ?
Touché mais pas coulé. Si l’AKP, le parti présidentiel, a essuyé une véritable débâcle lors des élections municipales en Turquie, Recep Tayyip Erdogan reste, à 70 ans, président pour encore au moins quatre ans. Le scrutin aura également donné lieu à l’émergence du parti islamique turc Yeniden Refah. Cette dernière a fait une percée dans les urnes, au point de s’imposer comme la troisième force de ces élections municipales, rassemblant 6,2% des voix au niveau national. Que sait-on de cette fête ? Le résumé avec 20 minutes.
D’où vient cette fête ?
Yeniden Refah revendique l’héritage de Necmettin Erbakan, homme politique influent… et mentor du jeune Erdogan. Alors âgé de 21 ans, le futur président turc y fait ses premiers pas en politique. Poussé par son père spirituel, il remporte la mairie d’Istanbul en 1994, sous les couleurs du parti Refah.
Mais sa relation avec son mentor se détériore lorsqu’Erdogan tente de le renverser. Le lien sera définitivement rompu lorsque l’élu lancera, avec ses compagnons, l’AKP en 2002. Cela mettra sérieusement un coup d’arrêt au Refah, perdant ainsi son influence d’antan. Neuf ans plus tard, en 2011, Necmettin Erbakan est décédé.
Fatih Erbakan, l’un des fils de « hodja », décide de relancer le parti en 2018 et lui donne un autre nom : Yeniden Refah.
Quelle ligne prend-il ?
Yeniden Refah défend une vision islamo-conservatrice du monde plus rigide que l’AKP, qui privilégie « les valeurs morales et spirituelles ». « Nous fermerons les associations LGBT quand nous serons au pouvoir. C’est une hérésie interdite dans toutes les religions », prévient d’emblée son leader.
Le parti s’oppose également au féminisme. En 2021, il a défendu le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, qui vise à lutter contre les violences faites aux femmes.
Dernièrement, il s’est surtout fait connaître en dénonçant le maintien des relations commerciales entre la Turquie et Israël malgré la guerre à Gaza. Selon les analystes, Yeniden Refah a remporté de nombreuses voix en plaçant la guerre à Gaza et l’inflation – 67,1 % sur un an – au centre de sa campagne.
Yeniden Refah peut-il faire de l’ombre à Erdogan ?
En contribuant au revers subi par Erdogan dimanche, le fils d’Erbakan a vengé son père, estiment certains observateurs. Rappelons que son parti a remporté dimanche les provinces de Sanliurfa et Yozgat qui étaient auparavant dirigées par les maires de l’AKP.
Les islamistes avaient soutenu la candidature d’Erdogan lors de l’élection présidentielle de 2023 mais le vent semble s’être inversé. « Nous ne devons pas faire confiance à ceux qui tentent de nous faire perdre, même s’ils sont à nos côtés depuis un moment », a souligné Reis il y a quelques jours.
Au vu des résultats des élections municipales, le président turc pourrait toutefois être tenté de renouer avec son ancien allié, estiment les observateurs. « La percée électorale de Yeniden Refah, qui a fait mieux que l’allié nationaliste d’Erdogan, le MHP (Parti d’action nationaliste), pourrait changer les calculs d’Erdogan et l’amener à remanier son alliance électorale », prédit Gönül Tol, directeur du programme Turquie au Moyen-Orient. Institut de Washington.