Les investisseurs sont inquiets et envisagent de quitter le pays
En raison de la crise politique qui secoue la France depuis les résultats des élections législatives, les investisseurs étrangers et les particuliers fortunés s’inquiètent d’une remise en cause de certains de leurs atouts.
Depuis son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron les a choyés à travers une baisse de la fiscalité, mais aussi des réformes du marché du travail et des retraites, que la coalition de gauche arrivée en tête des élections de dimanche entend en partie annuler.
Les premières inquiétudes remontent à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin et à la crainte de voir une majorité absolue pour le Rassemblement national ou le Nouveau Front populaire, dont les programmes, jugés « pauvres » par un banquier interrogé par l’AFP lors des rencontres économiques d’Aix vendredi, sont source d’inquiétude pour les particuliers fortunés.
« Le nombre de personnes cherchant des informations pour quitter la France a augmenté d’au moins 30% ces dernières semaines », explique à l’AFP Philippe Lorentz, avocat fiscaliste au cabinet August Debouzy, ces derniers cherchant principalement à s’exiler en Suisse, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
« Ce ne sont pas forcément des gens très riches, parfois ce sont des cadres supérieurs », explique l’avocat, qui voit passer des héritiers et des chefs d’entreprise.
Le « pire scénario » a été évité
L’issue des élections – sans majorité absolue – a permis d’éviter le « scénario catastrophe » pour les entreprises, s’est réjoui auprès de l’AFP le patron de la société C4 Ventures, Pascal Cagni, également ambassadeur délégué aux investissements internationaux depuis 2017 et aux avant-postes des sommets annuels Choose France instaurés par le président français, au cours desquels les chefs d’entreprises étrangers annoncent des projets d’investissement sous les dorures du château de Versailles.
La création d’un « bloc central » à l’Assemblée nationale pourrait lui permettre de rester attractive selon le responsable, disant toutefois craindre « qu’il n’y ait plus le même enthousiasme de ces gens qui viennent pour la première fois à Versailles et se disent que les Français, malgré les idées reçues, sont autre chose que simplement le luxe, le tourisme et de Gaulle ».
À Londres, le gouvernement travailliste fait les yeux doux aux investisseurs étrangers
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, a déclaré lundi sur X que « l’application du programme de rupture du Nouveau Front populaire détruirait les résultats de la politique (…) menée depuis sept ans », évoquant la première place européenne en termes d’attractivité revendiquée par la France depuis cinq ans.
Ainsi, après avoir surfé pendant des années sur la vague du Brexit pour tenter d’attirer les investisseurs étrangers, la France voit également Londres lui faire à nouveau les yeux doux, espérant attirer les puissances financières à l’heure où un nouveau gouvernement travailliste pro-business vient de prendre le pouvoir.
En effet, même s’il se revendique « socialiste », le programme gouvernemental « pro-business » de Keir Starmer, le nouveau Premier ministre, prône le sérieux budgétaire en période de contrainte financière.
« C’est un fait simple : l’une des choses que les investisseurs apprécient le plus est la stabilité politique », ajoute Miles Celic, directeur de TheCityUK, qui promeut le secteur financier au Royaume-Uni.
Les agences de notation mettent la France en garde
Par ailleurs, l’agence de notation Moody’s a prévenu mardi que l’abrogation de la réforme des retraites et une baisse de la volonté du gouvernement de faire des économies pourraient avoir un impact négatif sur la note de la France, et a souligné les « difficultés » à venir dans le vote des lois.
L’agence internationale, qui attribue actuellement une note Aa2 avec une perspective stable, prévient que la perspective pourrait être abaissée à « négative » en fonction de l’impact des négociations politiques sur la trajectoire budgétaire ou de croissance.
Fitch a estimé mardi que l’issue des législatives « prolonge l’incertitude politique, augmentant le risque d’une impasse législative », sans évoquer de potentielles conséquences sur la note qu’elle attribue à la France (AA-). L’agence internationale s’attend à ce que le budget 2025 soit adopté, mais relève un « risque élevé qu’il contienne des mesures de dépenses supplémentaires, aggravant les défis budgétaires ». « L’impasse politique rendra également difficile la réalisation d’économies », selon elle.
Lundi soir, l’agence S&P Global avait déjà prévenu que la note de crédit de la France serait « sous pression » si le pays « ne parvenait pas à réduire son important déficit public ».
(Avec AFP)