les influenceurs se mobilisent, quel impact sur les jeunes ?
« Notez-le dans votre agenda ! » On retourne voter, premier tour le 30 juin, deuxième tour le 7 juillet ! » Et non, même si cela peut paraître, ce message n’est pas celui d’un personnage politique en pleine campagne. Mais celle publiée lundi sur Instagram par l’influenceuse lifestyle et mode Léna Situations, 4,6 millions d’abonnés. Signe que les résultats des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale dimanche ont fait frémir et réagir jusque dans la sphère numérique. De nombreux influenceurs se sont exprimés en début de semaine pour exprimer leurs craintes et surtout pour appeler leurs communautés à voter aux élections législatives, qui auront lieu les 30 juin et 7 juillet.
Léna Mahfouf, Noholita, Arkunir, Crazy Sally…
« Je sais que c’est ennuyeux de se réveiller un dimanche pendant les vacances, mais c’est TELLEMENT important que les jeunes aillent voter. Nous avons un vrai pouvoir pour changer notre avenir », poursuit l’influenceuse de son vrai nom Léna Mahfouf. Et pour les abonnés les plus récalcitrants, il comprend même un lien vers le site d’inscription électorale et rappelle la possibilité de faire procuration dans une seconde publication.
Une démarche imitée par plusieurs autres créateurs de contenus, parmi les plus importants de la scène française. « J’ai toujours donné procuration à ma mère puisque je suis souvent en déplacement, alors n’hésitez pas à faire la même chose (…) Je n’ai jamais voulu parler de politique sur mes réseaux, mais la France a besoin de ça. levez-vous pour voter !! », insiste par exemple Noholita auprès de son million d’abonnés sur Instagram.
« C’était tellement EFFRAYANT »
Si ces posts restent assez mesurés – peu de contextualisations et d’évocations du risque de cette percée de l’extrême droite – d’autres influenceurs n’hésitent pas à mettre les pieds dans le plat. Comme le streamer Arkunir, c’est trop EFFRAYANT », a-t-il écrit.
Suivie par Manon Bril, Youtubeuse et historienne, qui a déclaré sur Instagram : « Putain, allez voter aux législatives sinon on va avoir une assemblée majoritaire d’extrême droite. » Ou encore de la podcasteuse Sally, alias Crazy Sally, qui a même réalisé une vidéo dédiée pour expliquer tous les enjeux de cette nouvelle élection.
« Des grands frères et grandes sœurs qui indiquent qu’il faut voter »
Ce qui est sûr, c’est que ces publications se démarquent de leur contenu habituel, tout sauf directement politique. Mais alors pourquoi un tel revirement ? « Les influenceurs ont compris que la situation était assez grave, que politiquement nous sommes à la veille d’un tournant important », analyse Alexandre Eyries, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’Université catholique de l’Ouest.
« Il y a une sorte de devoir d’exemplarité, un enjeu de représentativité et une volonté de mobiliser la jeunesse au bénéfice du maintien de la France dans un état démocratique. » Et le chercheur d’ajouter : « Ce sont un peu des grands frères et des grandes sœurs qui indiquent qu’il faut voter pour ne pas être déçu plus tard. »
Implications politiques
Ce n’est pas la première fois que des influenceurs s’impliquent de cette manière. En temps de Covid, le duo Mcfly et Carlito avait par exemple sensibilisé leur communauté aux gestes barrières dans une vidéo cocasse et, deux ans plus tard, la même Léna Situations avait pris position sur la réforme des retraites, décrivant le recours au 49.3. comme « honte ».
Beaucoup plus récemment, de nombreux créateurs de contenus ont pris parti dans le conflit dans la bande de Gaza, n’hésitant pas à partager des messages de soutien et des liens vers des collectes de fonds. Parfois plus par question d’image et après avoir subi la pression de leur communauté que par réel engagement…
Des influenceurs vraiment influents ?
Reste à savoir si ces influenceurs, véritables « relais d’opinion » selon Alexandre Eyries, peuvent réellement avoir un impact sur la participation des jeunes électeurs. Un peu à l’image (dans une moindre mesure) de la pop star Taylor Swift, qui bouscule déjà les élections américaines de novembre prochain et ses candidats. Pour le chercheur en communication politique, ses discours peuvent complètement « rebattre les cartes du jeu politique », certains influenceurs aspirant à « plus de confiance » que des institutions politiques plus orientées.
À un détail près : « Le problème de cette mobilisation en ligne est celui de la quantification. Il n’existe pas encore d’outils pour calculer cela. On ne peut pas dire que quand on a deux millions de followers, on a forcément convaincu deux millions de personnes », ajoute-t-il. Sans compter qu’il subsiste un écart considérable entre ce que l’on vit sur les réseaux sociaux et le monde réel. « Les réseaux sociaux sont une forme d’expression, où l’on exprime son mécontentement et des avis très contrastés. Mais en réalité, au moment des sondages, on est un peu plus rationnel, et les gens peuvent ne pas voter pour le candidat qu’ils avaient annoncé », rappelle le chercheur. Des influenceurs à l’influence plus qu’incertaine donc.