Les hommes modernes et les Néandertaliens auraient pu avoir une relation plus longue et plus intime qu’on ne le pensait auparavant, révèlent des généticiens
Avant leur disparition il y a environ 40 000 ans, les Néandertaliens (Homo neanderthalensis) ont rencontré et interagi avec les humains modernes (Homo sapiens), partageant parfois les mêmes habitats, ressources… et « lits » ! Des preuves génétiques ont montré qu’il y a effectivement eu des croisements entre les deux groupes du genre Homode sorte que les populations modernes non africaines possèdent environ 1 à 2 % d’ADN néandertalien.
Mais qu’en est-il de l’inverse ? Quelle quantité d’ADN de notre espèce était présente dans le code génétique de nos cousins ? Une équipe dirigée par Joshua Akey, professeur à l’Institut Lewis-Sigler de génomique intégrative de l’université de Princeton (États-Unis), a trouvé un moyen de retracer le flux de matériel génétique depuis les premiers humains jusqu’aux Néandertaliens.
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Les résultats, publiés dans Science le 12 juillet 2024, révèlent « une histoire de mélange et d’échange génétique qui suggère une connexion beaucoup plus intime entre ces premiers groupes humains que ce que l’on croyait auparavant »s’enthousiasment les chercheurs dans un communiqué.
De multiples vagues de croisements révélées par l’ADN
La plupart des études menées jusqu’à présent se concentrent sur l’héritage laissé par les Néandertaliens. En effet, la quantité de matériel génétique humain à analyser est considérablement plus importante que celle du matériel néandertalien. De plus, les tests effectués sur ces derniers n’ont révélé aucune trace d’ADN humain. Les auteurs de l’étude ont donc choisi d’observer de très près la proportion d’ADN néandertalien dans 2 000 génomes d’humains modernes, issus de la base de données internationale 1 000 Genomes Project.
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Ils cherchaient une caractéristique appelée hétérozygotie, qui désigne la présence de deux versions différentes (allèles) d’un même gène chez un individu. Un paramètre qui contribue à la diversité génétique d’une population. Ainsi, la découverte d’une séquence d’ADN néandertalienne présentant une forte hétérozygotie indiquait qu’elle pouvait provenir d’une personne qui s’était croisée avec des humains modernes.
Les scientifiques ont ainsi pu cartographier les mouvements génétiques entre les groupes d’Hominidés (Les hominidés), identifiant plusieurs vagues de contact : une première il y a environ 250 000 à 200 000 ans ; une autre, il y a 120 000 à 100 000 ans ; la plus importante, il y a environ 60 000 à 50 000 ans. « C’est la première fois que des généticiens identifient plusieurs vagues de mélange génétique (« admixtion ») entre les humains modernes et les Néandertaliens. »a déclaré dans le communiqué de presse Liming Li, professeur au Département de génétique médicale et de biologie de l’Université du Sud-Est (Chine) et chercheur associé dans cette étude.
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Ces résultats contrastent fortement avec les études précédentes. On pense que nos ancêtres les plus directs se sont séparés de l’arbre généalogique néandertalien il y a environ 600 000 ans, puis ont développé des caractéristiques physiques modernes il y a 250 000 ans en Afrique. On a d’abord supposé qu’ils y étaient restés pendant les 200 000 années suivantes, avant de migrer hors du continent il y a 50 000 ans pour peupler le reste du monde.
Cette chronologie est ici remise en question. « Nos modèles montrent qu’il n’y a pas eu de longue période de stagnation en Afrique, mais que peu de temps après l’apparition des humains modernes, nous avons commencé à migrer hors du continent et à y revenir également.explique le professeur Akey. Pour moi, cette histoire parle de dispersion, révélant que les humains modernes se sont déplacés et ont rencontré des Néandertaliens (…) bien plus souvent que nous le pensions auparavant.
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Disparition des Néandertaliens : une assimilation progressive ?
Les recherches suggèrent également que des descendants des premières vagues de métissage entre les deux groupes auraient pu rester avec les Néandertaliens, ce qui pourrait expliquer pourquoi aucune trace n’a été trouvée chez les humains modernes actuels. La quantité d’ADN humain présente dans certaines lignées néandertaliennes, celles de la grotte de Vindija (Croatie) et de la grotte de Denisova (Sibérie), a même été estimée : elles auraient pu avoir environ 2,5 % et 3,7 % d’ADN humain dans leurs génomes, respectivement.
Les données indiquent également, selon les experts, que les populations néandertaliennes réelles pourraient avoir été surestimées d’environ 20 pour cent. Les chercheurs ont abaissé le nombre de 3 400 individus reproducteurs à environ 2 400. Ensemble, les nouvelles découvertes dressent un tableau de la façon dont les membres de cette espèce déjà fragile ont pu disparaître des registres : leur nombre aurait lentement diminué jusqu’à ce que les derniers survivants soient intégrés dans des communautés humaines modernes plus vastes. « Je n’aime pas parler d’extinction parce que je pense que les Néandertaliens ont été en grande partie absorbés »explique Joshua Ake.
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L’assimilation des Néandertaliens aux populations humaines modernes à mesure qu’elles se répandaient à travers l’Eurasie aurait effectivement augmenté la taille des populations humaines modernes tout en diminuant simultanément la taille d’une population néandertalienne déjà menacée. – Liming Li et coll.Flux génétique récurrent entre les Néandertaliens et les humains modernes au cours des 200 000 dernières années. Science 385, eadi1768 (2024). DOI:10.1126/science.adi1768
Ce « modèle d’assimilation », rappelle-t-on, a été initialement proposé en 1989 par Fred Smith, professeur d’anthropologie à l’Illinois State University (Etats-Unis), dont les travaux ont largement porté sur cette espèce – et ont contribué à transformer l’image des Néandertaliens, traditionnellement perçus comme des êtres primitifs en déclin, en celle de prédateurs sociaux plus intelligents qu’on ne l’estimait, capables d’exploiter efficacement leur environnement.
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« Nos résultats fournissent des données génétiques solides, cohérentes avec l’hypothèse de Fred Smith, et je trouve cela vraiment intéressant. »conclut Joshua Ake. Ils contribuent également à transformer notre compréhension du destin commun des Néandertaliens avec les premiers humains.