Les habitants de Gaza, épuisés, fuient l’invasion israélienne de Rafah, mais « pour aller où ? »
La photo est arrivée dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 mai, envoyée grâce à une connexion Internet rare : le portrait d’un bébé endormi, visage apaisé, emmailloté dans une immense couverture orange. Youssef a une semaine. Sa mère, Mona Safi, a accouché par césarienne le 7 mai dans un hôpital de Rafah, à l’extrémité sud de la bande de Gaza. La jeune maman de 25 ans a eu de la chance, elle a pu bénéficier d’une anesthésie, explique sobrement le père, Mohammed, dans une conversation WhatsApp avec Le monde.
Quelques heures seulement après l’accouchement, sous le feu des bombes, la petite famille a été contrainte d’évacuer. « Nous avons pris la voiture de mon beau-frère », explique le dentiste de 30 ans, en direction du centre de l’enclave côtière. Il s’agit de leur troisième voyage depuis le début de l’offensive israélienne, le 7 octobre 2023, en réponse à l’attaque perpétrée ce jour-là par le Hamas dans le sud de l’Etat hébreu.
« Nous sommes huit dans un espace de 70 mètres carrésrapporte Mohammed Safi. La nourriture est très chère et très rare depuis que l’armée israélienne est entrée à Rafah (7 mai). Par exemple, il n’y a plus de poulet ni de viande. Pareil pour les fruits. Les légumes sont extrêmement chers. Un kilo de pommes de terre coûte 10 dollars (9 euros), 1 kilo de citrons, 30 dollars. » L’eau potable n’est disponible qu’une fois tous les trois jours. Mona ne peut pas allaiter. La famille dépense ses économies en lait en poudre hors de prix. Elle attend désormais la réouverture du passage de Rafah vers l’Egypte, seule issue pour sortir de l’enfer de Gaza, fermé depuis que les troupes israéliennes en ont pris le contrôle. Pour un exode final, cette fois hors de Gaza, Mohammed espère : « Mon fils mérite de vivre comme tous les autres enfants du monde, en paix. »
Début mai, Gaza a brièvement cru que son calvaire était terminé. « Les gens ont suivi les négociations (entre le Hamas et les Israéliens)ils avaient l’espoir que la guerre finirait, que cette vie sous la tente, cette vie quotidienne d’humiliation, prendrait fin., déclare Mohammed Al Najjar, étudiant en droit de Rafah. Le soir du 6 mai, des habitants sont même descendus dans la rue pour célébrer l’annonce par le Hamas de l’acceptation d’un accord de cessez-le-feu, pensant que la guerre touchait à sa fin.
Mais Israël s’est dissocié de ce document, et le lendemain ses chars ont détruit le panneau «J’aime Gaza» érigé à l’entrée du terminal de Rafah, à la frontière avec l’Egypte. Cette attaque marquait le début de l’invasion terrestre de la dernière ville de Gaza à ne pas avoir été investie par les forces de l’Etat hébreu. Israël assure qu’il s’agit d’une offensive limitée, mais ses dirigeants proclament leur détermination à vaincre les derniers bataillons du Hamas, retranchés selon eux dans la ville. Des responsables américains ont toutefois indiqué que, selon leurs informations, le chef du mouvement islamiste et cerveau des attentats du 7 octobre 2023, Yahya Sinouar, ne serait pas là.
Il vous reste 62,18% de cet article à lire. Le reste est réservé aux abonnés.