« Les Griefs » : les Gilets jaunes, un dialogue à sens unique
Deux mots suffisent : « grand » et « petit ». Parce que le premier symbolise le « grands discours, grandes écoles, grandes entreprises, grands patrons et grandes régions ». Et la seconde met en évidence le « petits commerces, petites gares, petites mains et petites retraites ».
Le signe d’une fracture entre deux mondes où les contacts se réduisent chaque jour. Les mots « grand » et « petit » sont apparus respectivement 117 et 99 fois dans les plaintes étudiées par Manon Pengam, maître de conférences en sciences du langage à l’université CY Cergy-Paris. Un travail de bilan pour ne pas oublier que ce « tête-à-tête » entre pouvoir politique et citoyens n’a jamais eu lieu.
Pour rappel, au plus fort du mouvement des gilets jaunes, début 2019, Emmanuel Macron avait lancé une opération : la mise en place de registres de doléances. Près de 19 899 cahiers sont noircis à la main de réflexions, d’exaspérations, de questions, et disséminés dans 16 500 mairies.
« M. Président, j’aimerais que vous expliquiez à ma fille de 5 ans pourquoi maman n’allume pas le chauffage partout dans la maison ? Pourquoi maman n’achète-t-elle pas de pain tous les jours ? »proteste par exemple un ancien gilet jaune.
Un autre participant a intégré l’humour dans son texte : « Excusez mon français, mon écriture. Mais tout cela vient de mes études. J’ai étudié à HEC : lycée communal. » Toute cette mobilisation pour que ces revendications ne soient finalement pas rendues publiques, comme promis.
« Il fallait s’impliquer pour pouvoir être lu »
Depuis, les élus locaux et les citoyens ont fait preuve de patience et tentent de faire perdurer l’initiative. C’est le cas de Fabrice Dalongeville, maire d’Auger-Saint-Vincent (Oise), que les équipes de France 3 ont suivi pendant un nouveau numéro de la Ligne Bleue. L’élu rencontre des collectifs, des Gilets jaunes, des chercheurs et exhorte les députés locaux à prendre part à ce combat.
Partout en France, des vestiges du mouvement social restent visibles. Comme près de Bordeaux, où Fabrice Dalongeville croise une « base arrière » de Gilets jaunes toujours en place, à une centaine de mètres d’un rond-point. Placé sur une propriété privée, il a échappé aux autorités. « Quel meilleur exemple que les revendications pour impliquer la population locale ? »se souvient Manon Pengam, maître de conférences.
Elle-même s’est rapprochée de groupes afin d’étudier un grand nombre de cahiers. « Dans certains types d’écriture, on voit combien il fallait s’impliquer pour être luconstate Laurence Dureuil, bénévole au sein du collectif Creuse, qui a participé à l’opération. Je trouve cela d’autant plus violent que cet engagement n’a pas été respecté à la hauteur de l’effort fourni. »
Cinq ans plus tard, la situation n’a pas changé : un grand nombre de citoyens vivent toujours dans la pauvreté et le gouvernement n’a pas l’intention de renouer le dialogue.
Les griefsFrance 3, 22h40
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