« Les Graines du Figuier Sauvage », le choc ultime du Festival
Thierry Frémaux avait réservé une belle surprise pour la fin de Cannes. Graines de figuier sauvage, fresque de près de trois heures de Mohammad Rasoulov, a triomphé de la fatigue des festivaliers pour conquérir la Croisette. Cet outsider est désormais le grand favori pour la Palme d’Or qui sera décernée demain soir.
Le cinéaste, privé de son passeport et condamné à cinq ans de prison par le régime pour « collusion contre la sécurité nationale », a réussi à fuir le pays et a reçu une standing ovation sur la Croisette, de même pour son film projeté cet après-midi. Cette œuvre remarquable raconte l’histoire d’une famille de Téhéran. La fiction est émaillée d’images glanées sur Internet témoignant de l’insupportable brutalité subie par les Iraniens et plus encore par les femmes iraniennes.
Il suffit d’un pistolet disparu pour briser l’équilibre fragile d’un juge d’instruction fraîchement promu dont les relations avec son épouse et ses deux filles se dégradent sur fond de manifestations et de répression sanglante. Dans cette famille comme dans tout le pays, la révolte gronde et ne peut plus être éteinte par l’autorité.
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Une question de points de vue
Le directeur de Le diable n’existe pas et D« Un homme intègre ne se contente pas de livrer une œuvre politique, un plaidoyer contre la censure et une ode à la liberté. Il fait du cinéma et du grand cinéma en plus. En nous plongeant dans l’intimité d’un petit appartement, il nous fait comprendre les raisons des différentes forces en présence.
Le père d’abord, poussé à des actes ignobles, esclave d’un pouvoir qui ne le respecte pas. Puis la mère, qui aime son mari et ses filles, garante des traditions qui voit ses certitudes vaciller. Enfin des jeunes, deux sœurs unies découvrant l’horreur de la répression et la soif de liberté.
Toujours surprenant, jamais ennuyeux
La paranoïa monte rapidement jusqu’à un crescendo suffocant en adéquation avec ce que vivent les héroïnes. Mohammad Rasoulov surprend sans cesse par l’inventivité de sa mise en scène au service d’un scénario puissant. Défiant la censure, il livre un film courageux et implacable. On ne voit pas vraiment comment Graines de figuier sauvage ne plairait pas au jury engagé de Greta Gerwig.