Les deux cogérants et associés de la brasserie Le Pontié ont utilisé pendant plusieurs années des logiciels de caisse frauduleux afin de dissimuler une partie du chiffre d’affaires généré par l’établissement. Attrapés par le fisc, ils commettent alors une nouvelle fraude pour rembourser leurs dettes.
C’était une fraude qui, au final, leur a coûté cher. Michel Delmas et Jean-François Miquel, les cogérants et associés de la brasserie Le Pontié, ont comparu jeudi 3 octobre devant le tribunal correctionnel d’Albi pour fraude fiscale, exercice de travaux dissimulés et abus de confiance.
Une procédure lancée à la suite d’un premier contrôle fiscal réalisé… en 2017. Les agents des impôts ont alors découvert l’existence de « logiciels de caisse permissive » au sein de cet établissement emblématique du centre-ville, situé place du Vigan. Depuis 2013, ce programme frauduleux permet aux deux dirigeants de cacher une partie des revenus en écrasant les données, tout en gardant des comptes secrets.
3 millions d’euros de revenus cachés
Elles utilisaient également une partie des revenus cachés pour verser des compléments de salaire (heures supplémentaires, primes) à leurs salariés, évitant ainsi de payer les cotisations sociales correspondantes à l’URSSAF. Interrogés par la police suite à l’ouverture d’une enquête, les deux hommes ont reconnu l’ensemble des faits. « Nous n’avions pas réalisé les conséquences et les sommes que cela représentait », leur ont-ils expliqué.
Face aux magistrats, les deux dirigeants, qui comparaissaient pour la première fois devant un tribunal, étaient visiblement mal à l’aise. « On a fait une bêtise », a tenté Michel Delmas, immédiatement repris par l’évaluatrice Danielle Drouy-Ayral : « les bêtises, c’est pour les enfants. C’est une infraction que vous avez commise.
Un peu plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires ont été dissimulés entre 2013 et 2017. Le montant total des droits éludés sur cette période (TVA et impôt sur les sociétés) s’élève à environ 700 000 €. Jean-François Miquel a également été rectifié à titre personnel. Leur situation fiscale est désormais réglée : entre le remboursement du principal, les majorations et les pénalités, les deux hommes ont payé d’impôts « près de 3 millions d’euros en deux ans », a expliqué leur avocat Me Boué lors du procès. -Diacquenod.
« Main dans le pot de confiture »
Des dettes payées grâce à des prêts et apports de fonds mais aussi grâce à une nouvelle fraude commise entre 2018 et 2022. Cette fois, pas de logiciel frauduleux mais un système de contrats de gestion entre plusieurs filiales aux loyers non déclarés qui leur permettaient de se soustraire à la TVA des plus de 180 000 €.
« Quand vous êtes pris la main dans le pot de confiture, vous payez et vous recommencez… », leur dit le président Attal. Ils ont expliqué qu’ils n’avaient plus d’argent liquide et qu’ils comptaient payer cette somme plus tard. « Un simple jeu de comptabilité », selon leur avocat.
Sur le banc des parties civiles, l’avocat représentant l’URSSAF a chiffré le montant réclamé par l’organisme de protection sociale aux deux dirigeants : 1,2 million d’euros, correspondant à une estimation des cotisations éludées et de leur majoration. L’avocat de la défense a vivement contesté le mode de calcul. « L’URSSAF est très gourmande. » Il estime lui-même le montant que ses clients devraient payer à environ 101 000 €.
8 mois de prison avec sursis
De son côté, la procureure Murielle Costa a dénoncé dans ses réquisitions « des petits stratagèmes pour gagner plus », soulignant les dégâts causés à l’entreprise mais aussi la « concurrence déloyale » à l’égard des autres dirigeants qui respectent la réglementation. « Et puis quelle image pour les salariés ! Elle requiert 8 mois de prison avec sursis à l’encontre des deux dirigeants ainsi qu’une amende pénale de 20 000 € pour chacun. Cependant, elle n’a pas demandé l’interdiction de la direction, compte tenu du fait qu’ils avaient reconnu leurs torts et réglé leurs dettes fiscales.
En défense, Me Boué-Diacquenod a une nouvelle fois rappelé les sommes finalement versées au fisc par ses clients. « Il aurait été si facile pour eux de mettre l’entreprise en liquidation. » Et assure qu’ils ne recommenceront pas. « En vérité, le jeu n’en vaut pas la peine. »
Le tribunal a condamné Michel Delmas et Jean-François Miquel à 8 mois de prison avec sursis et à 30 000 € d’amende, dont 25 000 € avec sursis. La décision du jugement devra être affichée pendant deux mois à l’entrée de la brasserie et ils devront verser 677 000 € à l’URSSAF. Ils ont 10 jours pour faire appel.