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Les financements publics devant les tribunaux

L’affaire pourrait avoir de lourdes conséquences pour l’enseignement catholique à l’heure où il fait le pari d’ouvrir des antennes loin des centres-villes, afin de scolariser des enfants au profil social plus varié. Ce lundi 16 septembre, le juge des référés doit se prononcer sur la suspension ou non des subventions contestées par le groupe Communiste de gauche, écologiste et citoyen de la région Île-de-France. Une première étape avant que le tribunal administratif ne statue sur le bien-fondé du dossier et ne valide, ou non, la structure financière imaginée par l’enseignement privé pour continuer à se développer.

Au cœur du dossier : le projet « Saint-Colomban », du nom d’un établissement privé sous contrat, qui doit accueillir 1 500 élèves de la maternelle au lycée, à Serris (Seine-et-Marne). Les travaux, qui devaient être livrés pour la rentrée 2023, sont bien avancés : « Il ne reste que l’aménagement intérieur », affirme Céline Malaisé, présidente du groupe à l’origine de la plainte.

Avec d’autres élus, elle conteste le montage financier et le versement de 1,1 million d’euros d’argent public – voté le 30 mai 2024 par la région – qui doit permettre la construction de l’établissement, en contradiction, estime-t-elle, avec la loi Falloux. Au total, avec l’aide du département, ce sont 3,5 millions d’euros d’argent public qui seraient versés, selon ses calculs. « Mais la loi est claire : l’Etat ne doit pas financer la construction de nouveaux établissements. Il ne peut intervenir qu’à hauteur de 10% du montant des dépenses annuelles de fonctionnement, et non 10% du total des travaux », a-t-il ajouté. elle se souvient.

« Trop gros pour être un appendice »

Céline Malaisé conteste également que Saint-Colomban soit un « annexe » du lycée Rondeau, à Bussy-Saint-Georges, à 8 km. « Le projet immobilier est beaucoup trop conséquent pour être considéré comme une simple annexe. Il s’agit d’un nouvel établissement », elle soutient.

La Fédération nationale des Ogec, qui regroupe les organismes gestionnaires des établissements privés catholiques sous contrat (Fnogec), défend une toute autre lecture de la loi et rappelle que ce type de montage n’a rien de nouveau. Selon Pierre-Vincent Guéret, le président, l’ouverture de Saint-Colomban « a été validée par l’enseignement catholique mais aussi par le rectorat qui a forcément reconnu les besoins éducatifs de Serris, ville en plein développement », il commence.

« Certains confondent réalités immobilières et réalités juridiques »il continue. Dans ce cas, le terme « annexe » désigne la personnalité juridique de l’établissement et non le bâtiment lui-même. « Certains ont aussi plusieurs annexes, dans plusieurs communes parfois très éloignées les unes des autres », il illustre en citant l’ouverture en 2021, à Meyzieu (Rhône) d’une annexe des Maristes, établissement réputé à Lyon.

Calcul de la limite de 10%

Sur la méthode de calcul, surtout, il se défend contre toute atteinte aux principes de la loi Falloux. « Alors que la réglementation actuelle interdit tout financement public pour les écoles, la loi Falloux l’autorise pour les collèges et les lycées. Dans ce cas, elle autorise des prêts aidés, mais aussi des subventions à hauteur de 10 % des dépenses annuelles de l’établissement. Celles-ci comprennent non seulement les dépenses de fonctionnement non couvertes par le contrat d’association, mais aussi les frais d’équipement. De plus, ces subventions ne représentent qu’une part marginale du coût de l’investissement, qui reste principalement à la charge des familles. »

En définitive, laquelle de ces deux lectures le juge administratif choisira-t-il ? « Le Conseil interacadémique de l’éducation nationale (CIEN), chargé de donner son avis sur les décisions de subventions, a refusé de trancher entre les deux interprétations de la loi »laisser au politique le soin de décider, rappelle le politologue Philippe Portier. Depuis, les préfets, chargés de contrôler les subventions, valident régulièrement le mode de calcul le plus favorable à l’enseignement privé.

Un effort de diversité

La justice, de son côté, n’a pas vraiment statué non plus. Après une décision du Conseil d’Etat de 1990 restée floue, le ministre de l’Education nationale de l’époque, interrogé par un parlementaire en séance, avait une nouvelle fois validé la lecture du Fnogec.

Or, c’est bien là l’enjeu si le juge, lorsqu’il statuera sur le fond, devait modifier son analyse. Retenir une interprétation restrictive de la loi Falloux porterait atteinte à toute possibilité d’obtenir des subventions significatives et mettrait un frein aux projets d’ouverture d’annexes, au cœur de l’effort de diversité réclamé notamment par l’ancien ministre Pap Ndiaye, et qui a donné lieu à un protocole entre le ministère et l’enseignement catholique, signé en mai 2023.

Une perspective que Pierre-Vincent Guéret ne veut pas accepter. « Il faut rappeler que même si elles sont importantes, les sommes qui nous sont accordées restent bien inférieures à celles avancées lors de la construction d’un établissement public. Rien que pour les régions, la somme de nos subventions ne représente que 5,6 % des subventions accordées aux établissements publics. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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