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« Les femmes exilées victimes de violences sexuelles ne sont pas protégées », alerte Amnesty International

Auteure du rapport « Porter plainte pour violences sexuelles : le calvaire des femmes migrantes, transgenres et travailleuses du sexe en France », Lola Schulmann, chargée du plaidoyer pour la justice de genre à Amnesty International, alerte sur les pratiques institutionnelles racistes envers les victimes exilées de violences sexuelles.

Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, le nombre de femmes victimes de violences sexuelles en France était estimé à 217 000 en 2021. Dans ce contexte, quelles sont les spécificités des femmes exilées ?

Lola Schulmann

Chargée de plaidoyer pour la justice de genre à Amnesty International

Elles sont surexposées à ces violences en raison de la grande précarité dans laquelle elles vivent et de leur statut administratif. Une enquête menée par Jérémy Khouani, médecin généraliste, en 2023 révélait que le risque d’être victime de viol était 18 fois plus élevé chez les femmes demandeuses d’asile par rapport aux autres femmes en France.

Parmi elles, une femme sur deux ne cherche pas d’aide suite aux violences subies et seulement une sur dix sollicite une assistance médicale ou policière. Elles sont également régulièrement confrontées à des obstacles persistants lorsqu’elles souhaitent déposer une plainte dans les commissariats de police ou de gendarmerie.

Quels sont ces obstacles ?

Leur parole est souvent niée ou minimisée en raison de stéréotypes et de préjugés. Il n’est pas rare qu’un policier croie, par exemple, qu’une exilée est venue vers lui dans le seul but d’obtenir des papiers. Plusieurs femmes sans papiers qui se présentent dans un commissariat pour déposer plainte ont d’ailleurs directement reçu un ordre de quitter le territoire français (OQTF).

Certaines ont même été directement placées dans des centres de détention, voire expulsées du pays. Tout cela s’inscrit dans un continuum de violences subies par ces femmes, dont la plupart ont déjà été victimes de violences sexuelles au cours de leur parcours d’exil.

De plus, à leur arrivée en France, une grande partie d’entre eux ne parlent pas français. Pour déposer plainte, ils doivent être accompagnés d’un traducteur. C’est leur droit, mais il en existe très peu. Or, on sait combien le premier signalement est déterminant pour toute la procédure judiciaire.

Ces procédures sont également souvent longues et coûteuses…

En effet. Ces femmes devraient pouvoir accéder facilement à l’aide juridictionnelle. Elles peuvent également se faire accompagner par un avocat ou une association lors du dépôt d’une plainte. Mais un grand nombre d’entre elles n’ont aucune connaissance de leurs droits.

Aucune information ne leur est donnée, notamment dans les commissariats. L’action des associations venant en aide aux femmes exilées, aux travailleuses du sexe ou aux femmes trans est déterminante tout au long de la procédure. Et pourtant, ces associations ne bénéficient quasiment d’aucun financement de l’État.

Votre rapport porte plus particulièrement sur les travailleuses du sexe victimes de violences. Pourquoi ?

Les femmes exilées qui deviennent travailleuses du sexe sont des personnes qui ont un parcours migratoire complexe. Les lois de criminalisation qui régissent leur activité ne les protègent pas du tout. Au contraire, elles les mettent en danger, notamment avec la criminalisation des clients.

Elles ont peur de signaler les violences sexuelles à la police, par crainte de davantage de contrôles autour de leur lieu de travail ou par peur que le propriétaire du logement où elles travaillent soit prévenu, qui pourrait les expulser pour ne pas tomber sous le coup de la loi sur le proxénétisme.

Là aussi se pose la question des stéréotypes et des préjugés à leur égard. De nombreux policiers refusent également de prendre une plainte, considérant que l’agresseur n’est pas un violeur mais un client.

Comment changer les mentalités dans les commissariats ?

Ces réactions stigmatisantes sont à l’origine de ce qu’on appelle une victimisation secondaire : de nouvelles violences, subies lors d’échanges avec un représentant de l’autorité publique, qui est, cette fois, institutionnelle.

C’est pourquoi nous rejoignons les revendications des associations féministes qui réclament une approche globale et évidemment des moyens financiers pour mettre en œuvre une véritable politique de lutte contre les violences sexuelles en France, avec au cœur de son action la question de la formation des policiers et des gendarmes, qui, pour l’heure, n’est absolument pas adaptée à ces situations. C’est indispensable pour lutter contre les préjugés, les discriminations et les pratiques racistes à l’encontre des femmes exilées victimes de violences sexuelles.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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