De nombreuses idées reçues circulent tant sur les causes du ronflement que sur ses conséquences. Oreillers ergonomiques ou coup de pouce, chacun a sa méthode pour y mettre un terme. Voici l’analyse des spécialistes.
Le Figaro a interrogé différents experts pour comprendre le ronflement : le Dr Justine Frija, médecin du sommeil à l’hôpital Bichat (Paris) et membre de la Société française de recherche et de médecine du sommeil ; le Dr Gilles Besnainou, oto-rhino-laryngologiste (ORL), à Paris ; et le Dr Jean-Baptiste Kerbrat, chirurgien maxillo-facial et orthodontiste à Rouen, chef de la consultation d’orthodontie dento-maxillo-faciale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris).
« Cela concerne surtout les hommes »
Faux. Il s’agit d’une idée fausse très répandue selon laquelle les femmes sont épargnées.Même si, pendant longtemps, l’image de ronflement a été associé aux hommes, les femmes ronflent autant qu’euxsouligne le Dr Justine Frija. Les modes de vie deviennent plus égalitaires : Les femmes fument plus que jamais et sont soumis au même phénomène de embonpoint que les hommes, deux critères qui augmentent le risque de ronflement.»
Alors que les hormones féminines ont tendance à protéger contre l’apparition de l’apnée du sommeil, cette barrière disparaît à la ménopause. « Cela provoque une redistribution de la graisse vers le haut du corps, notamment au niveau de la gorge, ce qui ouvre la voie au ronflement. »observe le Dr Besnainou. De plus, les femmes pourraient avoir les mêmes caractéristiques anatomiques propices au ronflement que les hommes.
« Je ronfle parce que mon nez est bouché. »
Vrai et faux. « Un nez bouché pendant une rhume est un facteur de ronflementdéclare le Dr Frija. Les muqueuses s’épaississent, les sécrétions nasales obstruent le flux d’air qui n’est plus laminaire et devient turbulent.»
Au-delà du nez bouché, de nombreuses autres causes peuvent provoquer un ronflement.Il s’agit de plusieurs anomalies anatomiques qui contribuent toutes à obstruer le bon passage de l’air lors de la dormir note Gilles Besnainou. C’est également le cas avec amygdales ou une langue trop grande, un palais ogival – trop étroit et en retrait –, des mâchoires inférieures reculées, des cloisons nasales déviées…»
« Il est normal de ronfler »
Faux. Il n’y a certainement rien d’alarmant à ronfler de temps en temps, surtout pendant la saison froide ou après un repas très alcoolisé. « En revanche, le ronflement devient anormal dès lors qu’il est régulier ou qu’il gêne son entourage.dit Justine Frija. Ce n’est pas forcément pathologique, mais c’est le signe d’un rétrécissement des voies respiratoires et peut révéler l’existence d’une apnée du sommeil. Tous les ronfleurs ne sont pas apnéiques, mais presque toutes les personnes apnéiques ronflent.»
Cette pathologie silencieuse diminue le taux d’oxygène dans le sang, augmente le rythme cardiaque et la pression artérielle, entraînant des conséquences cardiovasculaires : hypertension, fibrillation auriculaire, accidents vasculaires cérébraux, etc. Même si 30% de la population est concernée par le ronflement, il est donc conseillé de ne pas le prendre à la légère et d’en parler à son médecin, voire de demander à être orienté vers un médecin du sommeil.
« Les ronfleurs dorment bien »
Faux. « Le passage de l’air dans les voies aériennes supérieures présente plus de difficultés pour une personne qui ronfle, ce qui va nécessiter des efforts physiques pour maintenir ce flux et donc générer fatigue explique le Dr Besnainou. Le bruit du ronflement lui-même peut perturber le sommeil. Il peut atteindre 90 décibels, soit le volume d’un tondeuse à gazon . Certains ronfleurs sont donc réveillés par leurs propres ronflements.
En cas d’apnée du sommeil, les nuits ne sont pas non plus très réparatrices. Les épisodes apnéiques provoquent une multitude de micro-réveils « qui perturbent l’architecture du sommeil en provoquant un déficit dans les phases de sommeil profond et paradoxalpoursuit le Dr Frija. Les personnes souffrant d’apnée terminent souvent leur nuit avec l’impression d’avoir mal dormi, se sentant fatiguées – voire somnolentes – pendant la journée. Au-delà des conséquences sur le sommeil et la santé en général, l’apnée augmente les risques deaccidents domestiques circulation ou travail. »
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« Le surpoids favorise le ronflement »
VRAI. Lorsque nous dormons, les muscles entourant le pharynx ont naturellement tendance à perdre leur tonus, contribuant ainsi à l’affaissement des structures molles (langue, luette, palais mou, etc.). Ce phénomène peut être amplifié par la prise de somnifères, la consommation d’alcool et, surtout, par l’excès de poids. Ce dernier ne fait pas qu’arrondir le ventre, il induit une accumulation de graisse dans de nombreuses zones,y compris les parois pharyngées de la gorge et la base de la languedécrit le Dr Besnainou. Il en résulte un rétrécissement du diamètre des voies respiratoires : le flux d’air est entravé et favorise alors le ronflement.»
Perdre quelques kilos, adopter une alimentation équilibrée et faire de l’exercice régulièrement sont, sans surprise, les premiers gestes à adopter en cas de ronflement régulier.
« En sifflant, je peux réduire les ronflements de mon partenaire »
Faux. Siffler ou donner un coup de coude à votre voisin de lit pour qu’il arrête de ronfler, c’est la même chose.Cela le fait passer du sommeil profond au sommeil léger.note Gilles Besnainou. Certes, elle est efficace sur le moment, mais elle n’empêche pas le ronflement de reprendre peu de temps après. Surtout, elle perturbe considérablement la qualité du sommeil.»
« Dormir sur le côté aide à prévenir le ronflement »
Vrai et faux. Certaines personnes ronflent lorsqu’elles dorment sur le dos, c’est ce qu’on appelle le ronflement positionnel.Dans cette positionanalyse le Dr Besnainou, la langue et les tissus mous tombent vers l’avant et « compriment » le pharynx, fermant l’espace prévu pour la circulation de l’air.» Un scénario qui invite évidemment à privilégier dormir sur le ventre ou sur le côté.
Dans d’autres cas, cependant, la position qu’ils adoptent n’a pas d’importance : ils ronfleront de toute façon s’ils ne reçoivent pas de traitement approprié.
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« Les oreillers spéciaux ne suffisent pas »
VRAI. Utilisés dans les cas de ronflement positionnel, ils obligent le dormeur à adopter une position anatomique qui ouvre le pharynx. Ils obligent le dormeur à fléchir la tête ou empêchent le dormeur de dormir sur le dos. Outre le fait qu’ils sont souvent inconfortables, « ces oreillers Les traitements ergonomiques restent très ponctuels et insuffisantsprévient le Dr Justine Frija. Bien qu’ils vous aident à être bien positionné au moment de vous endormir, ils ne parviennent pas à empêcher les nombreux mouvements que nous faisons lorsque nous dormons.»
Certaines personnes préfèrent faire appel aux méthodes de grand-mère pour éviter de dormir sur le dos, en cousant simplement une balle de tennis dans le dos de leur pyjama. Une solution économique, mais qui garantit des nuits inconfortables.Il est préférable d’opter pour des dispositifs médicaux tels que Ronfless ou Pasuldo, conçus spécifiquement pour l’apnée positionnelle.« , informe Justine Frija.
« Nous devons subir une intervention chirurgicale »
Faux. La chirurgie du palais mou, courante il y a quelques décennies seulement, est devenue extrêmement rare car elle est douloureuse et inefficace.La chirurgie est utilisée pour traiter des problèmes anatomiques très spécifiques, comme des amygdales très volumineuses ou une luette trop longue.rapporte le Dr Besnainou. On propose désormais aux patients des traitements moins dommageables et moins douloureux, notamment des radiofréquences pour rigidifier les parois du palais.»
Dans les cas de ronflement associé à l’apnée du sommeil, la solution passe souvent par l’utilisation d’un masque de nuit relié à une pompe à pression positive, un dispositif qui favorise le passage du flux d’air dans les voies respiratoires. Les ronfleurs peuvent également bénéficier d’appareils d’avancée mandibulaire, tout aussi efficaces.