Sept semaines après les premières révélations l’accusant d’agressions sexuelles, les témoignages et révélations s’accumulent contre l’abbé Pierre. Ce lundi 16 septembre, le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Eric de Moulins-Beaufort, a confirmé dans une tribune au Monde que plusieurs dirigeants de l’Église catholique française étaient au courant de ces agissements. « Il est désormais établi que, de 1955 à 1957, Au moins certains évêques savaient que l’abbé Pierre avait un comportement grave envers les femmes », souligne le président du CEF. Il ajoute que « Des mesures ont été prises, notamment un traitement psychiatrique », et qu’un assistant (appelé « socius ») avait été désigné pour accompagner le fondateur d’Emmaüs, qui avait manifestement « conçu pour tromper. »
L’archevêque de Reims souligne également que « On savait, au moins dans certains milieux d’Emmaüs, que l’abbé Pierre était encore vivant et qu’il fallait le surveiller car il était dangereux pour les femmes qui l’approchaient. »
« Terrible pécheur »
Réaffirmant « le travail de l’Église en France pour que la vérité soit connue sur les faits des attentats », Eric de Moulins-Beaufort plaide pour le Vatican « s’engage dans une étude de ses archives » Et « Dites ce que le Saint-Siège savait et quand il l’a su. » Vendredi soir, le pape François a annoncé que le Saint-Siège avait été informé, au moins après la mort du religieux, des accusations portées contre lui, qualifiant ce dernier « d’un terrible pécheur. »
Bien qu’elles ne constituent pas des infractions pénales, d’autres révélations de la Radio-Télévision Suisse (RTS), diffusées dimanche, ternissent encore davantage le passé – décidément pas du tout chaste – d’Henri Grouès (le vrai nom de l’abbé Pierre). Selon la cellule d’enquête de la radio-télévision publique suisse, l’abbé séjournait à Genève à l’Hôtel International Terminus, à quelques pas du quartier des Pâquis, où se trouvent plusieurs bordels de la ville. Il y dirigeait « une double vie » selon les termes employés par l’auteur de l’enquête. Il fréquente alors le bordel d’une prostituée célèbre, Grisélidis Real, qui le reconnaît.
Sur TF1, une déclaration restée sans réponse depuis 1990
Dans une archive exhumée par la RTS, ce dernier en témoigne même sur TF1, le 15 mai 1990. Dans l’émission Ciel mon mardi !, Devant un Christophe Dechavanne médusé, elle déclare : « Le patron nous avait dit : ‘Venez regarder par le trou de la serrure de la salle de bains, il y a quelqu’un qui attend son tour, quelqu’un d’extraordinaire qui a fait beaucoup de bien à l’humanité.’ » « Je n’en ai jamais parlé mais aujourd’hui, je ne peux plus me taire. C’était un abbé, c’était l’abbé Pierre », dit-elle dans un silence de mort, seulement troublée par quelques protestations du public.
Mais le grand public n’est apparemment pas encore prêt à entendre ce mot. Il restera sans suite pour l’abbé Pierre mais aura de lourdes conséquences pour Grisélidis Real, hué et victime de menaces et de lettres insultantes. Dans son enquête, le média suisse révèle également que l’abbé Pierre entretenait une relation régulière avec une femme de la communauté Emmaüs de Genève. Cette femme « Parfois, il l’accompagnait secrètement dans ses voyages. » Là encore, rien de répréhensible, mais révélateur du double jeu pratiqué par les religieux.