Aucune voix ni tête discordante ne devrait se faire entendre, à l’exception de celle des États-Unis, lors du 75e sommet de l’OTAN organisé sous la présidence de Joe Biden à Washington. Les trente-deux nations alliées confirmeront à la fois leur volonté de soutenir l’Ukraine – avec une promesse d’aide militaire annuelle de 40 milliards d’euros – et leur refus d’accueillir les Ukrainiens au sein de l’organisation transatlantique – « jusqu’à ce que les conditions soient remplies »en d’autres termes, jusqu’à ce que la guerre contre la Russie soit terminée.
A défaut, les Alliés pourraient annoncer l’irréversibilité du rapprochement de l’Ukraine avec l’Alliance atlantique, une formule défendue notamment par la France. « Parmi les mesures concrètes, la coordination des livraisons d’armes aux Ukrainiens devrait être confiée à l’OTAN »ajoutent-ils à l’Élysée.
A Washington, le président américain Joe Biden aura à cœur de projeter l’image d’une alliance robuste et dynamique, renforcée par l’arrivée de la Suède, à l’heure où tous ses partenaires s’interrogent sur la solidité de l’engagement américain sur le Vieux Continent. La perspective d’un retour à la Maison Blanche de Donald Trump, grand pourfendeur de l’Otan, inquiète de nombreux dirigeants européens qui ont misé leur stratégie sur le parapluie américain.
« L’OTAN est un outil de pression de luxe qui permet aux Américains de vendre leur matériel militaire, et il semble peu probable que Donald Trump s’en prive. »C’est pourtant ce que pense Alexandra de Hoop Scheffer, spécialiste des relations transatlantiques au German Marshall Fund, dans une récente interview à La Croix.
La guerre en Ukraine a souligné la dépendance de l’Europe à la puissance militaire américaine et à sa capacité à livrer massivement des munitions et des batteries antimissiles. Depuis l’invasion, Washington a renforcé sa présence en Europe, où il dispose désormais de 100 000 hommes, contre 70 000 sous Barack Obama. La 6e Flotte en Méditerranée compte à elle seule 12 500 hommes, soit un tiers des effectifs de la Marine française.
Au sein de l’OTAN, les États-Unis conservent le contrôle de Saceur, le commandement suprême, et contrôlent trois des six commandements opérationnels. « La taille de leur délégation, de loin la plus importante du siège, leur permet d’être au cœur des enjeux »a confié un diplomate au siège à Bruxelles.
Outre l’OTAN, l’appareil militaire et sécuritaire américain a été renforcé en Europe par des accords bilatéraux de défense signés ces dernières années. La Roumanie accueille 4 000 soldats américains, soit deux fois et demie la mission française sur place, qui vise à renforcer le flanc oriental de l’Europe après l’invasion de l’Ukraine.
« Face à la menace russe, les pays européens ne comptent plus uniquement sur l’OTAN pour leur défense.observe Amélie Zima, chercheuse à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ces partenariats bilatéraux sont un moyen d’ancrer plus fortement les États-Unis en Europe et de limiter l’impact en cas de retrait américain de l’Alliance atlantique.
Appelé par Barack Obama en 2011, le pivot vers l’Asie a été retardé par les guerres au Moyen-Orient puis en Ukraine. Le renforcement des troupes sur le sol européen n’est toutefois pas tenable. Le budget prévisionnel du Pentagone pour les déploiements en Europe devrait ainsi passer de 6 à 3 milliards de dollars (2,8 milliards d’euros) de 2020 à 2025. A l’inverse, les investissements dans la zone Pacifique vont doubler entre 2022 et 2025, passant de 5 à 10 milliards de dollars (9,23 milliards d’euros).
Ces chiffres reflètent l’obsession américaine face au défi posé par la Chine et la crainte d’une invasion de Taïwan. A Washington, l’Europe n’est clairement plus au cœur des priorités, conclut un récent rapport de l’Ifri, qui note : « Même dans le cas d’une réélection de Joe Biden, le consensus bipartisan autour du soutien actif à l’OTAN s’est désormais érodé au sein de la classe dirigeante américaine. »
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