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les étrangers et les Français issus de l’immigration craignent une victoire du RN aux législatives

Le Rassemblement national est favori dans les sondages pour les élections législatives, organisées les 30 juin et 7 juillet. Des personnes issues de l’immigration confient à franceinfo leurs craintes en cas d’arrivée du parti au pouvoir.

« Nous sommes inquiets et très stressés »» dit Maïa, dans un mélange de français et d’anglais. En 2023, cette Géorgienne de 40 ans racontait à franceinfo comment elle avait quitté son pays quatre ans plus tôt, avec son mari et ses cinq enfants, pour échapper à la pauvreté. Un an plus tard, déboutées à deux reprises de l’asile depuis 2019, Maïa et sa famille sont toujours là et ont trouvé un refuge. « la stabilité ».

Au printemps, le quadra a même déposé une demande de régularisation auprès de la préfecture de Cergy (Val-d’Oise). Avec son CDI de femme de ménage dans un hôtel parisien et vivant en France depuis cinq ans, elle remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour d’un an renouvelable. Mais Maïa fait une course contre la montre. Comme de nombreux sans-papiers, mais aussi des étrangers résidant légalement en France et des Français issus de l’immigration, elle s’inquiète d’une éventuelle victoire du Rassemblement national (RN) aux élections législatives. Et pour cause : tous seraient, à des degrés divers, touchés par les mesures des partis si ce dernier arrivait au pouvoir.

S’il est nommé au poste de Premier ministre, le président du RN, Jordan Bardella, ferait de la lutte contre l’immigration une priorité. « urgence »a-t-il déclaré sur BFMTV. « L’absence de contrôle sur l’immigration depuis des décennies a conduit à ce que l’assimilation des étrangers présents sur le sol national devienne impossible », justifie le parti dans son programme. Le RN souhaite donc « restreindre et contrôler l’immigration illégale mais aussi légale ».

Une circulaire demandant aux préfets de suspendre « toutes les régularisations » des étrangers en situation irrégulière serait ainsi publié en juillet. Un projet de loi « urgence » sur l’immigration, présenté cet été, rétablirait un « délit de séjour irrégulier »faciliterait les expulsions des étrangers délinquants, transformerait l’aide médicale d’État, accessible aux personnes en situation irrégulière, en un fonds qui ne couvrirait que les« urgence vitale ». Ces mesures marqueraient la fin du rêve français pour Maïa et sa famille.

« Je ne veux même pas imaginer devoir retourner en Géorgie. La situation politique est très compliquée, il y a des manifestations, la Russie veut prendre tout notre territoire… »

Maïa, Géorgienne

sur franceinfo

Le RN envisage également de restreindre le recours au regroupement familial, qui permet aux étrangers en situation légale de faire venir leur famille en France, sous conditions de ressources et d’hébergement. Cissé, un Malien de 53 ans, espère que sa femme et son fils le rejoindront pour « Prendre soin » de lui, tandis que son « diabète » l’a mis en arrêt maladie, après 15 ans de travail comme magasinier permanent. Son projet est au point mort, car ses ressources ne lui permettent pas de louer un logement suffisamment grand pour les accueillir. Si les conditions de regroupement venaient à devenir plus dures comme le souhaite le RN, l’espoir de voir sa famille réunie s’évanouirait encore davantage. UN « injustice » pour quelqu’un qui a travaillé toute sa vie en France, regrette-t-il.

En cas de victoire, le RN entend également supprimer le droit du sol, principe historique qui permet à une personne née en France de parents étrangers et ayant grandi en France d’accéder à la nationalité française dès sa majorité. Le parti souhaite révoquer cette automaticité et soumettre l’accès à la nationalité à un examen approfondi par l’administration, à l’instar d’une demande de naturalisation. Comme c’est déjà le cas pour cette procédure longue et complexe, la validation de la demande serait soumise à certains critères basés notamment sur le casier judiciaire, selon le service communication du RN.

Une décision « illogique » selon Inès*une trentenaire née à Paris de parents marocains, et qui a elle-même acquis la nationalité française en vertu de son droit de naissance. « Enfant, je ne savais pas que je n’étais pas français : je suis né en France, je parlais toujours français, j’allais à l’école en France et tous mes amis étaient français.dit cet étudiant avocat. Je ne m’identifiais pas vraiment à ma nationalité marocaine : j’allais au Maroc une fois par an pour les vacances ! » Pour elle, ceux qui sont nés en France « ne devrait pas avoir à justifier » être Français, au risque de créer en eux le sentiment d’être des citoyens de seconde zone.

S’il n’est pas encore français, Youcef* envisage de le devenir. Cet avocat de 30 ans, né au Maroc et venu étudier le droit à Paris, a déposé sa candidature il y a 18 mois. « En cas de changement de majorité à l’Assemblée, qu’en est-il de ma naturalisation ?, se demande-t-il. La restriction de cette procédure à « conditions très strictes » apparaît dans un projet de loi constitutionnel déposé en janvier à l’Assemblée par le RN.

« Je me sens déjà français : j’ai étudié dans un lycée français au Maroc, j’ai une vie de famille en France, j’ai un métier qui m’oblige à utiliser la langue de Molière… »

Youcef*, marocain

sur franceinfo

Comme Youcef, Karim pourrait, en théorie, bénéficier aujourd’hui de la nationalité française. Mais cet Algérien, arrivé en France à l’âge de 7 ans, n’a jamais achevé les démarches pour devenir Français, qu’il a entamées il y a huit ans. « Il manquait encore quelques papiers… J’ai abandonné », détaille l’installateur de fibre optique de la région lyonnaise. Face à l’arrivée potentielle du RN au pouvoir, il dit « je regrette un peu ». « Si Jordan Bardella devient Premier ministre, que m’arrivera-t-il ?

S’il accède au pouvoir, le RN souhaite également mettre en place un « priorité nationale ». Cette mesure, pour laquelle plusieurs cadres du parti ont comparu devant le tribunal fin juin, pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel, rappelle Le monde. S’il était adopté, les Français seraient les seuls à bénéficier de certaines aides sociales, et auraient des droits prioritaires au logement social ou à l’emploi. « Pourquoi devrais-je être traité différemment ? (d’un Français) ?« , demande Nourdine, un Algérien de 47 ans, vivant depuis 2017 avec son épouse dans un habitat social (HLM) en banlieue parisienne. S’il pense qu’il devrait l’être « grave » avec le « étrangers délinquants »Nourdine regrette que la priorité nationale affecte « La majorité silencieuse des immigrés, qui participent à la vie économique du pays, ne font pas de bruit et s’intègrent ».

Certains Français pourraient aussi faire les frais des mesures RN. Le projet de loi constitutionnelle déposé par ses députés en janvier prévoit qu’une simple loi pourrait interdire les doubles nationalités « l’accès aux emplois de l’administration, des entreprises publiques et (…) chargés d’une mission de service public ». Asma, enseignante SVT de 40 ans, craint qu’on lui demande de renoncer à sa deuxième nationalité tunisienne pour continuer à exercer son métier.

« Choisir entre mes deux nationalités, c’est me demander de choisir entre mon père et ma mère, je n’y arriverai pas. »

Asma, franco-tunisienne

sur franceinfo

Lundi, lors de la présentation de son programme pour les élections législatives, Jordan Bardella a confirmé que cette mesure était toujours d’actualité, promettant néanmoins de la limiter à « un certain nombre d’emplois stratégiques » de l’État, dans les domaines de « sécurité et défense ». Objectif affiché : « éviter les interférences » l’étranger, selon le patron du RN, qui a cité le cas russe.

Outre les binationaux, de nombreux Français de confession musulmane, comme leurs coreligionnaires étrangers, disent aussi craindre l’arrivée au pouvoir du RN. Parmi les craintes fréquemment citées : l’interdiction du port du voile dans l’espace public. La mesure reste un « objectif » de Jordan Bardella, mais a été renvoyé à la période post-présidentielle, rapporte Le Parisien. Là encore, des obstacles juridiques s’opposent à sa mise en place, reconnaît le parti.

« C’est quelque chose qui me choquerait au plus profond de moi-même », assure Nawel, une étudiante en région parisienne, qui porte le foulard depuis la CE1. Les vêtements étaient pour elle un moyen « se cacher du regard des gens » adolescente, face à un corps qu’elle ne reconnaissait plus. « Porter mon foulard m’a aidée à me prendre en charge, à avoir plus confiance en moi »explique-t-elle. La jeune femme promet qu’elle « je refuserais de le supprimer » même si la loi l’exigeait. Quitte à quitter la France pour le Maroc, le Canada ou l’Indonésie, où elle pourrait travailler en le portant.

Nawel ne craint pas seulement les mesures dévoilées par le RN lundi. Elle craint que « le climat nauséabond » qui règne selon elle, en France, pour « la communauté musulmane (…) et les personnes racisées », ne fait que se renforcer en cas de victoire de l’extrême droite. Une crainte partagée par la grande majorité des personnes interrogées, qui décrivent des expériences plus ou moins nombreuses de racisme quotidien mais en hausse ces dernières années.

Ces préoccupations « antérieur à la perspective de l’arrivée au pouvoir du RN »explique Olivier Le Cour Grandmaison, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris-Saclay Evry-Val d’Essonne, qui a beaucoup travaillé sur le racisme. « Mais ils n’ont cessé d’augmenter depuis 2005 (et les émeutes liées aux morts de Zyed Benna et Bouna Traoré) à cause de l’extrême droite des partis de gouvernement » précise-t-il. Le spécialiste cite notamment la suppression du droit foncier à Mayotte annoncée en février par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, après avoir été réclamée de longue date par le Rassemblement national.

Affiche d'un candidat du Rassemblement national aux élections législatives en Vendée, le 23 juin 2024. (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS / AFP)

En cas d’arrivée du RN au pouvoir, « on craint que cela ne libère davantage de discours racistes »confirme l’homme politique, alors que plusieurs enquêtes, notamment Médiapart, Libérer Et Humanité, a mis en avant les propos racistes et antisémites de dizaines de candidats RN. Une vidéo révélée par Envoyé Spécial témoigne également d’une mobilisation de certains sympathisants du RN.

Les attaques perpétrées par de petits groupes d’extrême droite se sont également multipliées ces derniers jours, rapporte Libérercertains accusent ouvertement de se réjouir de l’arrivée imminente du RN au pouvoir. «La difficulté est de faire la différence entre la minorité active, qui a déjà eu recours à la violence politique, et ce qui pourrait arriver à l’échelle de centaines de milliers d’électeurs. Que feront ces gens ? (.. .) L’accession du RN au pouvoir libérerait-elle les discours racistes dans une partie plus large de la société ? C’est possible, mais difficile de dire dans quelle mesure ?, estime Marion Jacquet-Vaillant, maître de conférences à l’université Paris Panthéon-Assas et spécialiste du mouvement identitaire. L’ampleur de ces actions dépendra notamment, selon elle, de la réponse du RN. « Nos compatriotes de nationalité ou d’origine étrangère qui travaillent, respectent la loi et qui aiment la France, n’ont rien à craindre », a promis Jordan Bardella sur BFMTV. Sans ranger ses rangs, constate TF1.

* Le prénom a été modifié à la demande de la personne concernée.

Cammile Bussière

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